11-12-2024 20:16 - Mémorandum sur les violations des droits de l’homme en Mauritanie : contribution de l’Association de Veille Citoyenne (A.VE.C)

Mémorandum sur les violations des droits de l’homme en Mauritanie : contribution de l’Association de Veille Citoyenne (A.VE.C)

Kassataya - Nous sommes aujourd’hui le 10 décembre 2024. Chaque année, à pareille date, est célébrée partout, à travers le monde, la Journée internationale des Droits de l’Homme.

Cette journée, commémore l’engagement universel à respecter et protéger les droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En 2024, la célébration est placée sous le thème : « Nos droits, notre avenir, maintenant. ».

Pour reprendre António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, « La Déclaration universelle montre la voie à suivre vers une communauté de valeurs et d’approches qui peuvent permettre de résoudre les tensions et de créer la sécurité et la stabilité dont notre monde a tant besoin ».

Ainsi, si dans certains pays le 10 décembre est l’occasion de célébrer, parfois avec euphorie ou indifférence, les avancées significatives en matière de droits humains, ou pour d’autres, d’espérer une progression encourageante sous la conduite de leurs dirigeants, cette « date fatidique » rappelle malheureusement que de graves, voire atroces, violations des droits de l’Homme persistent encore dans certaines régions du monde, notamment en Mauritanie.

Depuis près de quatre décennies, des observateurs indépendants, de toutes origines, ont régulièrement signalé des abus, des restrictions arbitraires de libertés, et des crimes souvent commis en toute impunité, touchant à la fois les Mauritaniens et des ressortissants étrangers. Dans ce contexte, le slogan choisi par les Nations Unies pour la campagne mondiale de sensibilisation de cette année, « Nos droits, notre avenir, maintenant », semble soulever les interrogations suivantes dans le cadre social, économique et politique mauritanien :

Quels droits réels sont garantis aux populations résidentes, immigrées ou migrantes en Mauritanie ?

Comment peut-on envisager un avenir serein et optimiste face à la situation critique des droits de l’Homme qui prévaut ? Ne serait-il pas plus approprié, dans ce contexte, d’adopter le slogan : « L’avenir dont nous ne voulons pas ! » ?

Quand ce pays, autrefois promis à devenir un véritable Eldorado à l’aube de son indépendance, deviendra-t-il une terre d’accueil où le respect des droits fondamentaux ne restera pas un simple engagement formel, mais deviendra une réalité vécue et partagée par tous ?

Dans cette perspective, l’Association de Veille Citoyenne (A.VE.C), organisation mauritanienne engagée dans la lutte contre toutes les formes de violations des droits de l’Homme et de discriminations, et œuvrant pour le respect des normes nationales et internationales, saisit cette Journée des droits de l’Homme pour :

Dresser un bilan succinct des violations des droits de l’Homme en Mauritanie entre 2023 et 2024, les années précédentes ayant déjà fait l’objet de rapports détaillés réalisés par divers acteurs nationaux et internationaux ;

Évaluer le niveau de mise en œuvre des recommandations issues du dernier Examen Périodique Universel (EPU) de 2021, en tenant compte des observations additionnelles formulées depuis par les acteurs de l’EPU.

Analyse des Violations des Droits de l’Homme en Mauritanie au cours des deux dernières années :

L’ampleur des atteintes aux droits de l’Homme en Mauritanie reste difficile à évaluer précisément. De nombreuses violations demeurent invisibles, faute d’être dénoncées ou suffisamment documentées. Ce rapport se concentre sur les infractions les plus flagrantes commises durant les deux dernières années, présentées dans un ordre chronologique.

I.A. Synthèse des Violations :

En 2024, la situation des droits humains en Mauritanie s’est aggravée dans un contexte de tensions politiques exacerbées par l’élection présidentielle. Les principales violations enregistrées sont les suivantes :

Répression des droits civils et politiques :

Après l’annonce des résultats électoraux en septembre 2024, des affrontements violents entre manifestants et forces de sécurité ont causé plusieurs morts et blessés. Les autorités ont imposé une coupure d’Internet de 22 jours, entravant ainsi la communication et l’organisation des protestations.

Violences post-électorales :

L’élection présidentielle de 2024 a été marquée par des violences, notamment à Kaédi, où, officiellement, trois personnes ont perdu la vie, dont deux en garde-à-vue. Ces troubles étaient liés à des allégations de fraude électorale.

Restrictions à la liberté d’expression et de réunion :

Les autorités ont restreint ces droits fondamentaux par des arrestations arbitraires et un usage disproportionné de la force, particulièrement envers les militants anti-esclavagistes, soumis à des harcèlements et détentions prolongées.

Disparitions forcées et actes de torture :

Des cas de disparitions forcées et de torture en détention ont été signalés, incluant des décès, révélant des abus systématiques dans les établissements pénitentiaires.

Focus sur les Violations Majeures

Liberté d’expression :

En juin 2024, à la suite de manifestations contre la mort en garde à vue d’Oumar Diop, les autorités ont suspendu l’accès à Internet, prétendument pour prévenir la triche au baccalauréat, causant un préjudice majeur à la liberté d’information.

Torture et mauvais traitements :

En mai 2023, Oumar Diop, un jeune homme d’une trentaine d’années, est décédé des suites de tortures infligées par la police. Bien que les autorités aient initialement attribué sa mort à une consommation excessive de stupéfiants, des témoignages et preuves concordantes ont mis en lumière des actes de violence.

En février 2023, Souvi Ould Jibril Ould Cheine, défenseur des droits humains, est mort par strangulation en garde à vue, contredisant la version officielle d’un arrêt cardiaque.

Disparitions forcées :

En septembre 2023, le militant Youba Siby a été soumis à une disparition forcée après son arrestation au Sénégal. Il a été détenu sans accès à un avocat ni à sa famille avant d’être condamné pour des publications sur les réseaux sociaux.

Cas de Maria Cheikh Abdallahi Obed :

Cette lycéenne de 19 ans a été incarcérée en juillet 2023 pour blasphème, un crime passible de la peine de mort selon la législation mauritanienne, en raison de commentaires sur une copie d’examen rendus publics.

Discrimination et esclavage :

Un rapport des Nations Unies de juillet 2023 a confirmé la persistance de l’esclavage par ascendance et d’autres formes modernes d’exploitation. Les victimes continuent de subir une exclusion sociale, économique et politique systématique.

Autres violations notables :

Les propositions de justice transitionnelle concernant les crimes graves commis entre 1989 et 1992 n’ont pas été examinées. Le Comité des disparitions forcées de l’ONU a réitéré l’appel à enquêter et à poursuivre les responsables.

En septembre 2023, une manifestation pacifique de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) a été violemment dispersée, entraînant plus de dix blessés.

I – B – La question pendante du passif humanitaire

Il ne fait aucun doute que la problématique du passif humanitaire en Mauritanie demeure toujours en suspens, ce qui compromet toute chance de parvenir à la moindre cohésion sociale.

Les efforts de toutes parties prenantes, communauté internationale y compris, sont entravés par deux (2) obstacles majeurs :

– la loi n°93-23 du 14 juin 1993, qui accorde une amnistie aux membres des forces armées pour les crimes commis durant cette période, empêchant toute enquête approfondie ou poursuite judiciaire contre les responsables des violations des droits humains ;

– Le défaut de mise en place d’un mécanisme de justice transitionnelle nécessitant une forte volonté politique traduisant un engagement sincère à faire face aux injustices du passé.

A ce sujet, une ébauche complète de solutions réalistes et appropriées avait été soumise au Forum des organisations nationales de droits humains en abrégé « FONADH » (ONG mauritanienne de défense des droits de l’Homme en Mauritanie), par le Président et membre fondateur de l’association A.VE.C, dans le cadre d’une consultation[1] qu’il a réalisée pour le compte de l’ONG susmentionnée.

Tout au long de cette étude très fouillée, largement documentée et menée avec minutie, l’auteur traite :

– des fondements instruments de la mise en œuvre d’un mécanisme de justice transitionnelle ;

– d’exemples d’expériences de justices transitionnelles réussies dans des pays de référence tels que l’Afrique du Sud, en 1995, la Sierra Léone, en 2002 et le Maroc, en 2004, avant de proposer une formule propre à la Mauritanie, autour de quatre (4) axes prioritaires et les recommandations transversales qui en découlent.

A.VE.C relaie ci-dessous les résultats de l’évaluation faite par les ONG[2] des mesures de suivi de la Mauritanie dans la mise en œuvre des recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations Unies.

Le Comité note les informations fournies par l’État partie concernant les mesures

prises à la suite des faits survenus pendant la période appelée « passif humanitaire », notamment le rapatriement volontaire de 24 536 Mauritaniens réfugiés au Sénégal entre 2008 et 2012, les efforts d’indemnisation des victimes ou de leurs ayants droit, et la reconnaissance de sa responsabilité lors d’une journée de commémoration. Il juge toutefois préoccupant que l’État partie n’envisage pas d’amender la loi no 93-23 du 14 juin 1993 portant amnistie, qui empêche d’établir les responsabilités pour les violations des droits de l’homme commises durant ces événements et de permettre l’accès à des recours utiles aux victimes et à leurs ayants droit (art. 2, 6, 7 et 14).

Le Comité a recommandé, depuis sa 126ème session, en juillet 2019 à la Mauritanie de prendre toutes les mesures nécessaires pour solder de manière définitive le passif humanitaire issu des événements qui ont eu lieu de 1989 à 1991, notamment en abrogeant la loi no 93-23 afin d’établir la vérité sur les crimes commis, d’en poursuivre les responsables et de leur imposer des peines appropriées, ainsi que de pourvoir à une réparation intégrale de toutes les victimes et de leurs ayants droit.

A ce jour, Aucune mesure n’est prise par l’Etat de Mauritanie pour abroger la loi d’amnistie 93-23 du 14 juin 1993, ni de mener des enquêtes indépendantes sur l’impunité de ces crimes passés des violations des droits humains, moins de pourvoir à une réparation intégrale de toutes les victimes et de leurs ayants droit.

A la Mi-Aout 2021, un Général de division de l’armée mauritanienne nommé Ely Zayed 0uld M’Bareck est nommé Commandant de la Bangui Joint Force Task au sein de la MINUSCA en RCA où il a pris service le 31 aout 2021.

Cet officier général est accusé par des rescapés “victimes directes”, de tortures, de crimes extrajudiciaires en 1990/1991 dans la période dite du Passif humanitaire contre des militaires afro-mauritaniens, alors qu’il était lieutenant officier des renseignements dans le commandement de la garnison de Birmoghrein à la deuxième région militaire.

Des témoignages audios et des plaintes sont adressées aux porteurs des mandats qui protègent ces crimes, et aux responsables des institutions des Nations Unies pour les saisir de cette situation gravissime qui risque de fragiliser le mandate des Nations Unies.

Les victimes organisées au sein du Cadre de Concertation des Rescapés de Mauritanie (CCRM)

Installées en Mauritanie, en Europe et aux USA ont formulé des revendications adressées aux

différents candidats lors des élections Présidentielles de juin 2019, déposé une allégation générale en novembre 2019 auprès du rapporteur spécial des Nations Unies du droit à la vérité, à la réparation et aux garanties de non-répétition, dit de la justice transitionnelle, ont mis en ligne une pétition en novembre 2020 pour demander au Président en exercice le règlement juste et équitable du « Passif humanitaire ».

Tous ces documents ont été remis en main propre au Président de la République à l’occasion de la réunion accordée à la diaspora mauritanienne, à laquelle CCRM a été invitée, lors de sa visite en janvier 2021 à Paris (France). En plus, un mémorandum est élaboré et adressé au Président Ghazouani en aout 2021. Toutes ces démarches sont restées sans réponse.

La programme Spécial d’Insertion Rapide « PSIR » est initié à partir de 1992 jusqu’à 2000. Des sources émanant des différents intervenants avancent 35 000 bénéficiaires de cette phase de retour volontaire. Le caractère clandestin de ce retour étaie des statistiques non fiables et beaucoup de ses populations revendiquent encore des problèmes d’état civil (non enregistrés officiellement dans les bases de données) et d’accaparement des terres de cultures traditionnelles.

Ces situations ont créé des crises graves et récurrentes entre les anciens propriétaires revenants et les nouveaux installés et soutenus par les pouvoirs publics. Toutes les communes de la vallée de NDiago (l’Ouest) à Khabou (Est-frontière avec Mali) connaissent des tensions latentes intercommunautaires.

Le dossier du Passif humanitaire a été ouvert à l’accession au pouvoir du Chef de l’Etat Mohamed Ould Abdel Aziz, à la suite de l’audience qu’il avait accordé, le 8 novembre 2008, aux délégués du Collectif des Organisations des Victimes de la Répression (COVIRE).

Le Chef de l’Etat a engagé le processus de règlement du « Passif humanitaire » directement et exclusivement avec le collectif COVIRE. Ce processus a connu des déviations normatives qui l’ont entaché :

– Absence de cadre juridique. Aucune loi, aucun texte ou accord n’a régi ce règlement. L’accord qui est déclamé dans tous les discours officiels n’a jamais été porté à la connaissance des organisations des victimes, bien qu’elles en aient fait la demande, à toutes les occasions, dans les forums ou ateliers nationaux, devant les institutions des Nations Unies et de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ;

– Les cas des martyrs civils n’ont pas été abordés ;

– Seuls les devoirs de réparation et de mémoire ont été pris en compte et partiellement exécutés : l’universalité et la globalité des droits humains impose l’observation de tous les piliers donc à intégrer aussi les devoirs de vérité et de mémoire.

– Le caractère secret de toutes les démarches entreprises entre un noyau restreint de dirigeants du collectif COVIRE et le Chef de l’Etat-Président ;

– La nomination par le Président du HCE d’un colonel, chef de sa garde prétorienne, qui est inféodé à ses instructions, comme chargé du Passif humanitaire ;

– La non-réhabilitation des carrières et un traitement différentiel selon les tutelles : l’Etat a repris, à sa convenance, les fonctionnaires civils moins de 60 ans et a mis à la retraite proportionnelle de 15 ans et 6 mois tous les personnels des forces armées et de sécurité, ainsi que les agents et fonctionnaires de l’Etat âgés de plus de 60 ans ;

– Le défaut d’obtention d’une cartographie des sépultures des martyrs : Une décision a été prise en Conseil des Ministres, en avril 2011, à la suite d’une communication du ministre des Affaires Islamiques, d’interdire l’accès, à leurs ayant droit, de dix (10) tombes identifiées à Jreyda.

II – Etat de l’application des recommandations issues du dernier examen périodique universel (EPU) de la Mauritanie

La Mauritanie a participé à son troisième cycle de l’Examen Périodique Universel (EPU) le 19 janvier 2021, durant lequel plusieurs recommandations ont été formulées par les États membres des Nations Unies pour améliorer la situation des droits humains dans le pays.

II – A. Rappel des principales recommandations

Voici les principales recommandations adressées à la Mauritanie :

Harmonisation de la législation nationale :

La Mauritanie a été invitée à aligner sa législation avec les instruments internationaux ratifiés, notamment en matière de définition et de prévention de la torture.

La lutte contre la torture en Mauritanie a été au centre des recommandations formulées lors de l’Examen Périodique Universel (EPU).

a – Renforcement du Mécanisme National de Prévention (MNP) :

La Mauritanie a été encouragée à assurer le bon fonctionnement du MNP, créé par la loi n°2015-034, qui a pour mission d’effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention pour surveiller les conditions des détenus et prévenir la torture.

b – Enquêtes sur les allégations de torture :

Il a été recommandé de mener des enquêtes approfondies sur les cas présumés de torture et de mauvais traitements, et de traduire en justice les auteurs de ces actes. Cela inclut la nécessité d’un système judiciaire civil indépendant pour traiter ces allégations conformément aux obligations internationales de la Mauritanie.

c – Formation des forces de sécurité :

La formation continue des forces de sécurité sur les droits humains et l’interdiction de la torture a été soulignée comme essentielle pour prévenir les abus.

d – Accès aux soins et soutien pour les victimes :

Les recommandations incluent également d’assurer un soutien moral et matériel aux victimes de torture, ainsi que leur accès à des soins médicaux appropriés.

e – Création d’une commission indépendante :

Il a été proposé de former une commission indépendante, sous l’égide du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, pour enquêter sur les violations passées des droits humains, y compris celles liées à la torture.

Cette recommandation vise à améliorer le cadre légal et institutionnel en matière de protection contre la torture en Mauritanie, tout en répondant aux préoccupations soulevées par divers acteurs lors de l’EPU.

Renforcement des institutions nationales des droits de l’homme :

La création et le soutien d’organes tels que la Commission Nationale des Droits de l’Homme et un mécanisme national de prévention de la torture ont été recommandés

Lutte contre les discriminations :

Des efforts doivent être faits pour protéger les groupes vulnérables, notamment en renforçant les lois contre les violences basées sur le genre et en criminalisant les mutilations génitales féminines.

Droit à la vie et abolition de la peine de mort :

Plusieurs pays ont recommandé l’abolition de la peine capitale et la mise en place d’un moratoire sur les exécutions, bien que ces recommandations n’aient pas été acceptées par les autorités mauritaniennes.

Protection des droits des femmes :

La nécessité d’adopter une loi sur les violences faites aux femmes et d’assurer l’égalité dans le Code de la nationalité a été soulignée, afin que les femmes puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants.

Accès à la justice :

La création d’un mécanisme indépendant pour enquêter sur les violations passées des droits humains a également été recommandée, pour garantir que les auteurs de violations ne restent pas impunis.

Amélioration des conditions dans les établissements pénitentiaires :

Des recommandations ont été faites pour faciliter l’accès des organisations de défense des droits humains aux lieux de détention et pour améliorer les conditions de vie des détenus.

Ces recommandations visent à renforcer le cadre légal et institutionnel en matière de droits humains en Mauritanie, tout en répondant aux préoccupations soulevées par divers pays lors de l’EPU.

II – B. Listing des recommandations ignorées par la Mauritanie

A ce jour, la Mauritanie n’a toujours pas suivi plusieurs recommandations.

Voici un aperçu des principales recommandations ignorées par le pays :

Abolition de la peine de mort

Plusieurs États, dont l’Australie, ont recommandé à la Mauritanie d’abolir la peine capitale et de ratifier le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui vise à abolir la peine de mort. La Mauritanie a rejeté ces recommandations, y compris celles demandant un moratoire sur la peine de mort et la commutation des condamnations à mort en peines alternatives.

Lutte contre la torture

Bien que le gouvernement ait accepté certaines recommandations concernant l’amélioration des conditions de détention et la lutte contre la torture, il n’a pas mis en œuvre les mesures nécessaires pour garantir que les allégations de torture fassent systématiquement l’objet d’enquêtes et que les responsables soient traduits en justice.

Liberté d’expression

La Suisse a recommandé de modifier le Code pénal mauritanien, pour aligner les lois sur la liberté d’expression avec les normes internationales, mais cette recommandation a été ignorée. De plus, la Mauritanie a refusé de supprimer les références au blasphème et à l’apostasie comme crimes dans sa législation.

Droits de réunion et d’association

Bien que la Constitution mauritanienne protège ces droits, ils sont restreints en pratique. Des recommandations pour améliorer l’environnement pour les rassemblements pacifiques ont été notées sans action concrète.

Réforme législative

Des recommandations ont été faites pour harmoniser la législation nationale avec les instruments internationaux ratifiés, mais celles-ci n’ont pas été suivies d’effet.

Ces refus soulignent les défis persistants en matière de droits humains en Mauritanie et mettent en lumière un écart entre les engagements internationaux et leur mise en œuvre réelle au niveau national.

II.C. Raisons du refus d’harmonisation de la législation nationale avec les textes internationaux :

La Mauritanie invoque plusieurs raisons qui expliquent son refus d’harmoniser sa législation avec les textes internationaux en matière de droits de l’homme. Voici les principales :

La primauté de la Charia :

La Mauritanie adopte un système juridique de type moniste, ce qui signifie que les traités internationaux ratifiés sont intégrés dans le droit national sans nécessiter de législation supplémentaire. Cependant, l’État met en avant la primauté de sa Constitution, qui considère la charia comme la source unique de droit.

Cela conduit à une interprétation restrictive des obligations internationales, limitant l’application des normes des droits humains lorsque celles-ci entrent en conflit avec les prescriptions de la charia.

Des réserves sur les Instruments Internationaux

La Mauritanie a maintenu des réserves sur plusieurs articles des instruments internationaux relatifs aux droits humains, affirmant que leur application ne doit pas contredire les lois islamiques.

Par exemple, le Comité des droits de l’homme a exprimé des préoccupations concernant ces réserves, notamment sur les articles liés à la liberté de religion et d’expression. De plus, le pays n’a pas ratifié certains protocoles importants, comme le Deuxième Protocole facultatif visant à abolir la peine de mort.

Le code pénal mauritanien combine des éléments de droit moderne et de droit musulman. Certaines peines inspirées de la charia, telles que les châtiments corporels pour des infractions comme l’adultère (Zina) ou le vol, sont théoriquement prévues. Bien qu’elles ne soient pas souvent appliquées, leur existence dans la loi crée un climat de peur et d’insécurité juridique, particulièrement pour les femmes et les minorités.

Des peines telles que la peine de mort pour blasphème ou apostasie sont également inscrites dans le code, bien qu’un moratoire sur leur application soit en vigueur.

La charia influence aussi la liberté religieuse en Mauritanie. La citoyenneté est réservée aux musulmans, et les autres confessions ne peuvent pas pratiquer leur foi publiquement. Cette situation crée une discrimination systématique contre les non-musulmans et limite gravement la liberté d’expression.

De plus, les lois basées sur la charia concernant le mariage, l’héritage et d’autres aspects du droit familial désavantagent souvent les femmes, renforçant des inégalités structurelles.

***************************

Au terme de ce mémorandum non exhaustif, il y a lieu de constater que la situation des droits humains en Mauritanie reste profondément préoccupante, malgré les engagements formels pris dans le cadre des mécanismes internationaux comme l’Examen Périodique Universel (EPU). Si des avancées limitées ont été constatées dans certains domaines, une large part des recommandations reste non appliquée, illustrant un écart significatif entre les promesses et les réalités sur le terrain.

Les violations persistantes, notamment la torture, les disparitions forcées, les restrictions à la liberté d’expression, et l’impunité des responsables de crimes passés, reflètent des lacunes structurelles et institutionnelles. Ces défaillances sont exacerbées par l’influence prédominante de la charia sur le système juridique, entravant une pleine adhésion aux normes internationales des droits humains.

Le passif humanitaire demeure un obstacle majeur à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale. L’absence d’une justice transitionnelle et le maintien de lois d’amnistie protègent les auteurs de violations graves, privant les victimes de justice et de réparation.

Pourtant, des solutions sont envisageables. L’adoption de réformes juridiques ambitieuses, la mise en place de mécanismes efficaces de prévention et de réparation, ainsi qu’une volonté politique réelle sont indispensables pour instaurer un climat de confiance et de respect des droits fondamentaux.

L’Association de Veille Citoyenne (A.VE.C) appelle donc les autorités mauritaniennes à :

Respecter leurs engagements internationaux en appliquant les recommandations issues de l’EPU et en harmonisant leur législation avec les normes internationales.

Renforcer les institutions nationales des droits humains pour garantir une protection effective et indépendante des citoyens.

Abroger la loi d’amnistie n°93-23 du 14 juin 1993 et établir une justice transitionnelle pour solder définitivement le passif humanitaire et restaurer l’État de droit.

Seule une action concertée et déterminée, impliquant tous les acteurs, nationaux et internationaux, permettra à la Mauritanie de progresser vers un avenir où les droits fondamentaux seront pleinement respectés, pour tous.

Nouakchott le 10 décembre 2024

[1] La consultation est intitulée « STRATEGIE DE REGLEMENT DU PASSIF HUMANITAIRE : VERS LA MISE EN ŒUVRE D’UNE JUSTICE TRANSITIONNELLE EN MAURITANIE ».

[2]AFCF – AMDH – ODISSI – CCRM – FONADH – LMDH – SOS-Esclaves –

GERDDES – REVE – CRADPOSIT

Association de Veille Citoyenne (A.VE.C)

Récépissé n°FA 10000380606202409260

Adresse : Nouakchott K EXT SOCO n°0526

CITE PLAGE

Téléphone : Tel. +222 4882368

Email : avec.mauritanie@gmail.com



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