25-02-2025 14:36 - Immigration : la Mauritanie va-t-elle devenir plus noire que noir ? Par Pr ELY Mustapha

Immigration : la Mauritanie va-t-elle devenir plus noire que noir ? Par Pr ELY Mustapha

Pr. ELY Mustapha -- En 2025, la Mauritanie a décroché le titre convoité de « meilleur élève de l’Europe en matière de contrôle migratoire », avec une mention spéciale pour l’art de transformer des paradoxes géopolitiques en slogans poignants. Car comment ne pas admirer un pays à majorité...de couleur noire qui redoute… de devenir trop noir ?

Un chef-d’œuvre d’ironie qui mériterait d’être exposé au Louvre des contradictions postcoloniales. L’Europe et la Mauritanie : un tango caritatif aux pas de silicone

Grâce aux 210 millions d’euros de l’UE, la Mauritanie a pu s’offrir un kit de survie pour garde-frontières débutants : drones, radars, et un manuel intitulé « Comment dire "non" avec élégance aux cousins maliens ». Le ministre de l’Intérieur, dans un élan de poésie bureaucratique, déclare : « Chaque pirogue interceptée est une victoire humanitaire. » Victoire si relative que les centres de rétention, décorés aux couleurs de l’UE, offrent désormais des visites guidées… sans issue de secours.

Pendant ce temps, l’Espagne signe des accords pour importer des saisonniers mauritaniens. « La migration circulaire, c’est comme le recyclage : ça donne bonne conscience sans encombrer les poubelles », glousse un diplomate européen. Preuve de succès : les Mauritaniens expulsés du Mali sont accueillis dans des camps si bien organisés qu’on y croirait des villages Potemkins.

Le « grand remplacement » saharien : quand l’auto-parodie devient art de vivre

En 2025, la Mauritanie a inventé une nouvelle discipline olympique : la course à la peur existentielle. « Ils arrivent avec leurs cultures différentes ! », s’émeut un député, oubliant que le thiéboudiène sénégalais et le thiéboudienne mauritanien partagent le même riz, le même poisson, de la même mer, péché par ceux-là même que l'on craint. La théorie du « grand remplacement » version Nouakchott ? Un spectacle où les acteurs principaux sont à la fois envahisseurs et envahis, comme dans une pièce de Beckett jouée sous 45°C.

La Stratégie Nationale de Gestion des Migrations 2025 apporte une touche surréaliste : « Intégrer sans assimiler, contrôler sans exclure. » Traduction : construire des murs en verre pour admirer le paysage tout en feignant de l’ignorer. Les 130 000 migrants subsahariens, quant à eux, semblent avoir manqué le mémo : ils persistent à pêcher, construire et soigner, comme s’ils faisaient partie du décor.

Centres de rétention : le Club Med de l’absurde

À Nouadhibou, le « Complexe Humanitaire d’Accueil Temporaire » (CHAT) a reçu le label « Étoile de l’UE » pour son concept novateur : des chambres partagées à 10, avec vue sur l’océan… et barreaux inclus. « Nous priorisons la dignité », assure un responsable, montrant fièrement les latrines neuves financées par la Belgique. Les ONG, ravies, distribuent des kits d’hygiène estampillés « Made in Europe » – une manière délicate de rappeler que la charité n’a pas de frontières, contrairement aux personnes.

Pendant ce temps, le Mali pleure ses ressortissants expulsés. « C’est un malentendu culturel », explique un sociologue. « Les Mauritaniens croient que "retour aux sources" signifie renvoyer les gens vers des puits asséchés. »

L’immigration légale : le miroir aux alouettes

Face à la « crise », l’UE propose une solution audacieuse : 5 000 visas « circulaires » pour Mauritaniens. « Comme les oiseaux migrateurs, mais avec un contrat à durée déterminée », s’enthousiasme un fonctionnaire espagnol. Peccadille : ces visas concernent moins de 0,5 % des demandeurs. « L’important est de montrer qu’une alternative existe », murmure-t-on à Bruxelles, entre deux rapports sur l’effondrement démographique européen.

En Mauritanie, le ministre du Travail lance un programme choc : « Emplois nationaux d’abord ! » – slogan aussi populaire que réaliste dans un pays où 80 % des jeunes diplômés rêvent de… partir en Europe. Un chef d’entreprise résume : « Les migrants font le travail que nos enfants refusent, comme cultiver la terre ou réparer les climatiseurs. C’est une division du travail… invisible. »

Droits humains : le grand jeu de l’autruche

La Convention de l’ONU sur les migrants ? « Un texte vivant, en constante évolution », assure un juriste mauritanien, omettant de préciser que cette « évolution » ressemble à une course de lenteur. Les enfants réfugiés, eux, ont découvert une vérité philosophique : « Le droit à l’éducation est un concept relatif, surtout quand ton école est un hangar. »

Pendant ce temps, l’UE finance des séminaires sur « l’approche genre dans les politiques migratoires ». Résultat ? Les femmes représentent désormais 50 % des expulsés. « L’égalité progresse », sourit une consultante européenne, devant un tableau Excel aussi vierge que le désert du Tanezrouft.

Noir sur noir, ou l’art de peindre avec des nuances de sable

Alors, la Mauritanie va-t-elle se « noircir » davantage ? Statistiquement improbable. Symboliquement, c’est déjà fait : le pays s’est enlisé dans un rôle de gardien zélé d’un ordre mondial aussi absurde qu’un mirage.

Mais l’espoir réside dans les interstices : ces marchés où un Peul mauritanien négocie avec un Soninké malien, ces chantiers où un Sénégalais apprend l’arabe dialectal à un patron hassanya. Scènes banales d’une coexistence que les discours alarmistes ne parviennent pas à entamer. Noir c’est noir ? Pas tout à fait.

Dans ce théâtre saharien où l’Europe joue les metteurs en scène maladroits, la Mauritanie improvise une comédie humaine. Avec un peu de chance, le public finira par applaudir… la réalité plutôt que les fantasmes.

« L’immigration, c’est comme le thé à la menthe : trop amer sans sucre, trop sucré sans amertume. À nous de trouver la bonne dose », philosophe un vieux pêcheur de Nouakchott. Une sagesse qui, hélas, ne figure dans aucun manuel européen.

Alors, la Mauritanie deviendra-t-elle « plus noire que noir » ? À force de se plier aux exigences européennes, le risque est grand de voir le pays s’enliser dans un rôle de geôlier malgré lui. Entre les subventions qui corrompent et les droits humains qui rétrécissent, la voie est étroite.

Peut-être faudrait-il rappeler à l’UE que la Mauritanie n’est pas une île déserte où cacher les indésirables de l’Europe. Et aux autorités mauritaniennes que les migrants, aussi « irréguliers » soient-ils, ne sont pas des fantômes. Ils construisent des maisons, pêchent des poissons, font vivre des marchés. Les criminaliser, c’est se priver d’une richesse… et s’enfoncer dans un noir de plus en plus profond.

À moins que la Mauritanie ne choisisse enfin la lumière : s’orienter vers ses voisins (Mali notamment) pour ensemble, trouver des solutions dignes à leurs ressortissants, régulariser, intégrer, et montrer à l’Europe que la dignité n’a pas de frontières. Et qu’au-delà de la couleur de peau, fixation de l’idiocratie, le sang est rouge pour tous.

« Le blanc est une couleur de circonstance, le noir la couleur de tous les jours », écrivit Bernard Dadié. Alors faisons que nos jours soient plus beaux que nos nuits ; car « même les nuits les plus noires finissent par l’aurore ». (Proverbe Peul)

Pr ELY Mustapha




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Commentaires (1)

  • ahznar (H) 25/02/2025 15:22 X

    Senor Ely la bombe a ete lancee par Trump aujourd'hui meme. Lisez et ecoutez le journal : saisir les biens des presidents africains aux Etats Unis. Donc terminado ni blanc ni noir !!!