12-04-2025 17:39 - Mauritanie : la flambée des prix en lien avec les expulsions massives d’étrangers

Initiatives News - Depuis plusieurs semaines, les prix des denrées de base ne cessent d’augmenter à Nouakchott, capitale de la Mauritanie.
Sur les étals, le poisson se fait plus rare, les légumes plus chers. Si la population en subit directement les conséquences, certains pointent du doigt une cause bien précise : les expulsions massives de migrants subsahariens en situation irrégulière.
Au cœur du marché : le quotidien bouleversé des vendeurs
Nous sommes en plein centre-ville de Nouakchott, dans l’un des marchés les plus animés de la capitale. Ici, vendeurs de poissons et de légumes tirent la sonnette d’alarme. Pour eux, l’absence soudaine de la main-d’œuvre étrangère affecte la chaîne d’approvisionnement et provoque une flambée des prix sans précédent.
« Il y a quelques semaines encore, on travaillait avec des jeunes venus d’Afrique de l’Ouest. Ils faisaient la pêche, le déchargement, le nettoyage… Aujourd’hui, tout est ralenti », confie Faty Sow, une vendeuse de poissons quadragénaire. Elle raconte avoir remarqué un changement notable dans le fonctionnement du marché depuis que les rafles ont commencé.
La peur dans les rues, le silence dans les boutiques
La situation ne touche pas que le marché. Dans d’autres secteurs informels, comme les salons de coiffure ou le bâtiment, la peur règne. Nous avons tenté d’interroger un jeune coiffeur originaire d’un pays d’Afrique de l’Ouest. Apeuré, il a décliné toute demande de témoignage, préférant observer les rues par la fenêtre, boutique fermée à double tour.
Un autre vendeur, plus bavard, nous explique :
« La déportation massive des étrangers subsahariens vers leur pays d’origine a eu un impact direct sur l’économie du pays. Les Mauritaniens ne veulent pas faire certains travaux, comme les tâches manuelles ou le port de charges. Et sans cette main-d’œuvre, tout ralentit. »
Des métiers invisibles… mais essentiels
Les migrants subsahariens occupaient une place stratégique dans des métiers souvent invisibles mais cruciaux : maçonnerie, nettoyage, manutention, petit commerce ou pêche. Avec leur départ, les conséquences sont palpables. L’offre de main-d’œuvre diminue, les coûts de production augmentent… et les prix suivent.
« Certains pensent que ces expulsions résolvent un problème. Mais en réalité, elles en créent d’autres : économiques, sociaux, humains. », lâche un commerçant du marché.
Un climat tendu et des perspectives floues
Dans un contexte déjà fragilisé par l’inflation et les inégalités, la décision d’expulser massivement les migrants sans alternatives visibles ou main-d’œuvre locale formée soulève des questions de durabilité économique.
Au marché aux poissons, les prix ont grimpé de 30 à 50 %, selon les commerçants. Une hausse qui affecte les ménages les plus modestes, et qui alimente une inquiétude croissante.
La vague d’expulsions semble avoir ouvert une brèche inattendue dans le fragile équilibre économique mauritanien, révélant une dépendance importante à une main-d’œuvre migrante discrète mais indispensable.
Oumar Elhaj Thiam JP