16-04-2025 15:33 - Sidi Ould Tah dévoile sa vision pour la BAD, mais son équipe de campagne interroge

Mauriweb -
Paris, 15 avril 2025 – À l’occasion d’un déjeuner de presse organisé dans la capitale française, le candidat mauritanien à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), Sidi Ould Tah, a présenté les axes structurants de sa vision pour l’institution panafricaine.
Un projet ambitieux, articulé autour de quatre piliers – impact, innovation, inclusion et intégration – destiné à faire de la BAD un levier plus efficace, plus proche des réalités africaines et mieux préparé aux défis du futur.
Actuellement à la tête de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), Sidi Ould Tah n’a pas manqué de souligner l’urgence de repenser la dynamique du développement continental :
« Il ne s’agit plus de gérer le développement, il faut l’accélérer. »
Il a notamment plaidé pour une meilleure synergie entre les institutions financières africaines, une réponse coordonnée face au changement climatique, une inclusion renforcée des jeunes et des femmes, et une architecture financière plus intégrée.
Le programme est bien ficelé, la rhétorique maîtrisée. Mais une ombre plane sur cette candidature pourtant prometteuse : la composition de son équipe de campagne.
Des figures controversées aux manettes
Dans les coulisses de cette campagne bien huilée, plusieurs observateurs s’interrogent sur la présence de personnalités sulfureuses au sein du staff stratégique de Sidi Ould Tah. Parmi eux, l’avocat franco-mauritanien Jemal Taleb Lemoigne, régulièrement pointé du doigt pour son rôle ambigu dans de nombreux dossiers sensibles en Afrique de l’Ouest.
Autre nom qui suscite la controverse : Hmeyda Ould Bah, ancien conseiller influent de Mohamed Ould Abdel Aziz et toujours perçu comme l’un des symboles d’un système ancien où opacité, clientélisme et conflits d’intérêts se côtoyaient sans complexe.
Le retour de ces figures aux avant-postes d’une campagne pour diriger une institution censée incarner la bonne gouvernance, la transparence et la rigueur a de quoi surprendre. Pire : il alimente un certain scepticisme parmi les partenaires techniques et financiers de la BAD, qui attendent du prochain président qu’il incarne une rupture avec les pratiques douteuses du passé.
Une contradiction entre le discours et la méthode
Le paradoxe est frappant. Alors que Sidi Ould Tah insiste sur l’importance d’une gouvernance vertueuse et d’une culture du résultat, il s’entoure de profils dont le passé soulève de légitimes interrogations. Ce choix fragilise non seulement son discours, mais risque de détourner l’attention de son programme, pourtant salué pour sa clarté stratégique.
« Pour diriger la BAD, il ne suffit pas d’avoir une bonne vision. Il faut aussi donner l’exemple, dès maintenant, dans la manière de faire campagne. »
Cette phrase, entendue dans les couloirs de la presse africaine présente au déjeuner, résume le malaise ambiant : peut-on prétendre incarner une nouvelle ère de développement en s’entourant des visages du vieux système ?
Une BAD à la croisée des chemins
Dans un contexte où les besoins en financement explosent, où les populations attendent des résultats tangibles, et où les partenaires exigent plus de redevabilité, le choix du prochain président de la BAD est crucial pour l’avenir du continent.
La candidature de Sidi Ould Tah mérite d’être examinée sérieusement – pour la solidité de sa trajectoire, la pertinence de ses idées, et sa connaissance du terrain africain. Mais elle gagnerait en crédibilité si elle s’appuyait sur une équipe à la hauteur de ses ambitions, débarrassée des figures qui rappellent trop les pratiques qu’il dit vouloir dépasser.
Le rendez-vous de Paris a permis à Sidi Ould Tah de poser sa vision et de convaincre sur le fond. Il lui reste à convaincre sur la forme. Car si l’Afrique a besoin de leaders capables de tracer la voie, elle a encore plus besoin de pratiques irréprochables dès le premier pas.