23-05-2025 08:29 - Victoire pour Manssour Sow, cet ouvrier agricole mauritanien qui était menacé d'expulsion

Victoire pour Manssour Sow, cet ouvrier agricole mauritanien qui était menacé d'expulsion

FRANCE3 - La situation de Manssour Sow avait suscité une vague d'indignation et de soutien ces dernières semaines. Ouvrier agricole dans trois exploitations en Creuse, ce Mauritanien de 30 ans a été visé en avril par une assignation à résidence consécutive à une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais le dénouement est heureux : il vient d'obtenir son titre de séjour.

La pression retombe pour Manssour Sow. En situation irrégulière sur le territoire depuis plusieurs mois, un titre de séjour vient enfin de lui être délivré par la préfecture de Creuse, ce mardi 20 mai.

Cet ouvrier agricole de 30 ans, originaire de Mauritanie, n'aura plus à redouter les contrôles d'identité, ni à s'inquiéter de retourner de force dans ce pays qu'il a fui en 2018. "Je suis content depuis hier, je me sens libre", se réjouit-il.

En CDI sur trois fermes

Depuis la ferme de Sylvain Brunet, à Saint-Christophe, où il travaille lorsque nous le retrouvons, Manssour Sow savoure la nouvelle. Au début du mois d'avril, il avait reçu une assignation à résidence consécutive à une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) datant de 2022, au motif qu'il n'aurait pas assez travaillé. Une décision incompréhensible pour ce paysan exilé qui cumule les emplois en CDI sur trois fermes du département.

"On est dans un secteur en tension. Avant Manssour je ne trouvais personne", assure l'un de ses employeurs, Thierry Peronne, qui a rencontré le jeune Mauritanien en 2021 peu de temps après son arrivée au Centre d'accueil pour demandeur d'asile (Cada) de Peyrat-le-Château, dans le département voisin de la Haute-Vienne. "Je cherchais quelqu'un pour traire les vaches, c'est son métier. Il est venu une semaine ou deux sur l'exploitation, cela lui a plu", raconte l'agriculteur de Maisonnisses.

Dans un contexte de manque de main d'œuvre agricole sur le territoire, Manssour Sow avait en plus l'avantage d'être compétent et de bien connaître le milieu. Depuis son plus jeune âge, il cultive ce savoir-faire pour les animaux que lui a transmis son père, éleveur de bovins en Mauritanie. Ce pays où Manssour Sow était menacé, comme il l'explique, et qu'il a dû quitter pour sauver sa vie. Sa mère et sa sœur vivent toujours sur place, il ne les a pas revues depuis son départ en 2018.

"Cette nouvelle est un soulagement pour nous, ses employeurs, et pour Manssour encore plus. Il travaille, il est intégré, intelligent et courageux. Son obligation de quitter le territoire était totalement injuste", déclare Sylvain Brunet, Agriculteur en Creuse.

L'obtention de ce titre de séjour est une délivrance pour lui, pour ses trois employeurs et tous ceux qui l'ont soutenu ces dernières semaines. "C'est une bonne issue, on a été privés de Manssour pendant un mois, comme il ne pouvait plus venir chez nous. On est bien contents de le retrouver", sourit Sylvain Brunet, chez qui Manssour Sow travaille aussi bien du côté laboratoire que du soin des animaux.

"C'est une grande joie", confirme Pierrette Bidon, co-présidente de l'association Réseau éducation sans frontières Creuse, qui l'a accompagné dans toutes les démarches pour décrocher cette régularisation. Elle se souvient, notamment, début avril, lorsque Manssour Sow a dû se mettre à pointer auprès de la gendarmerie chaque jour à 10 heures précises, dans le cadre de son assignation à résidence début avril.

"Pour Manssour, c'était très dur d'aller à la gendarmerie. Se présenter aux gendarmes, c'était comme s'il avait fait quelque chose de mal, comme un vol ou un crime, alors qu'il ne se sentait pas du tout dans ce registre-là. C'était très sévère", déclare Pierrette Bidon du Réseau éducation sans frontières (RESF) en Creuse.

Le 22 avril, le tribunal administratif de Limoges avait levé cette assignation à résidence et accordé à ce travailleur sans papiers un répit d'un mois en réponse à sa procédure en appel, en ordonnant à la préfecture de Creuse de réexaminer sa demande de régularisation. "Je n’ai pas le moral et c’est compliqué pour moi en ce moment. Je ne dors pas, je ne mange pas et je suis fatigué”, nous avait-il confié, visiblement épuisé par cette situation qu'il peinait à comprendre.

Les services de l'État lui avaient donc demandé de fournir plusieurs documents en lien avec ses activités professionnelles pour actualiser son dossier. Finalement, ce mardi 20 mai, Manssour Sow est allé signer son récépissé en préfecture : sa demande est complète et il va pouvoir de nouveau circuler librement sur le territoire.

"Manssour avait beaucoup d'atouts pour avoir un titre de séjour au départ. On n'a jamais compris cette démarche de la préfecture de lui envoyer une assignation à résidence", déclare Pierrette Bidon, Co-présidente du Réseau éducation sans frontières (RESF) en Creuse.

"Les instances de justice administrative, par Monsieur Sow, ont décidé de suspendre la décision d'OQTF pour permettre à la préfète de la Creuse de procéder à un réexamen de son dossier. En application de cette décision, il a été possible de prendre en compte de nouveaux éléments présentés par Monsieur Sow", développe la préfecture de Creuse, que nous avons sollicitée, mercredi 21 mai. Le 22 avril 2025, jour de son audience devant le tribunal administratif de Limoges, Manssour Sow a reçu le soutien de nombreux manifestants.

La préfecture précise également que les "manifestations publiques n'ont pas d'impact sur ce type de décision qui n'est pas une dérogation exceptionnelle, mais simplement de l'application stricte de la réglementation en vigueur".

"Je suis très soulagé. La suite maintenant pour moi, c'est de passer mon permis, continuer les cours de français, avoir mon appartement et vivre comme les autres. Être libre", déclare Manssour Sow.

Ce titre de séjour "salarié" n'est valable qu'un an. Manssour Sow devra renouveler sa demande avant qu'elle n'expire. "Il faut s'y prendre environ neuf mois à l'avance. Donc, là, il va avoir deux ou trois mois tranquille, mais après, il faudra recommencer à rassembler les papiers et tout ça. S'il travaille toujours avec les mêmes employeurs, je pense que cela ne sera pas trop difficile... À moins qu'il n'y ait de nouvelles décisions gouvernementales", commente Pierrette Bidon.

La mobilisation continue

La co-présidente de Réseau éducation sans frontières Creuse s'inquiète de voir les conditions de régularisation se compliquer pour les étrangers sans papiers en France. "Depuis quelque temps, on voit bien que cela se durcit. Pour Manssour, on peut dire que l'on a gagné, grâce à la mobilisation et la médiatisation. Mais, à côté, il y a d'autres migrants qui sont là depuis sept ou huit ans et qu'ils envisagent de renvoyer chez eux", déplore Pierrette Bidon.

"Je pense qu'il y a un durcissement des mesures gouvernementales. Il y a vraiment une volonté de faire repartir des gens. Là, ça se précise", déclare Pierrette Bidon du Réseau éducation sans frontières (RESF) en Creuse.

C'est pour tous ceux-là que la mobilisation devrait continuer en Creuse. Depuis le début du mois d'avril, une manifestation avait lieu une fois par semaine devant les grilles de la préfecture pour dénoncer la situation de ce travailleur agricole intégré dans le département, mais aussi des autres familles vivant également sur le territoire dans la crainte de l'expulsion.

Écrit par Lisa Douard





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Source : France3
Commentaires : 1
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Commentaires (1)

  • ouldsidialy (H) 23/05/2025 11:02 X

    1) Heureux dénouement pour cet homme adapté à un emploi dans un secteur qui en a besoin. La France actuelle a du mal pour des choix simples, qui servent ses intérêts. Il a 30 ans , n'a rien couté durant la période onéreuse de l'enfance et l'adolescence. A toute chance de ne rien couté de significatif en dépenses de santé avant l'âge de 50 ans. Comparativement à un européen, Il pourrait aussi accepter de vendre davantage de son temps au travail. Il sera contributeur net aux charges sociales durant le plus long de sa carrière. Il a toute chance de plafonner plus rapidement qu'un européen en évolution des salaires. A 65 ans , il touchera une retraite incomplète sur un volume de droits moins important que ce que serait celui d'un européen.

    2)Reste que ce migrant fait partie de ces humanités -( africaines, du nord au sud ) - dont l'Europe a décidé qu'il est bon qu'elles ne surabondent plus le stock existant chez elle. C'est une orientation souveraine et démocratique des humanités européennes. Elles n'ont pas l'exclusivité de ce désir de réaffirmation d'altérité. C'est partout pareil dans le monde. Mais on remarque qu'en de nombreux endroits, on arrive à servir l'objectif en gardant la tête froide. En Europe , la France a plus de mal à le faire que d'autres pays.

    3) Les passions, les mesquineries, les arrogances, les apragmatismes qui se manifestent, ne sont même pas authentiquement français. Mais ils trahissent des souffrances proprement françaises. C'est dans ces souffrances-là que se trouvent les anxiétés paralysantes du peuple français actuel. C'est certainement dans une meilleure sublimation de ces souffrances que les français trouveraient la "décontraction libératrice" de leur état d'esprit. Mais ni les africains, ni personne , ne peuvent rien pour eux, à ce sujet.