26-05-2025 11:54 - Loi anti-corruption en Mauritanie : une mascarade législative au service des prédateurs

Loi anti-corruption en Mauritanie : une mascarade législative au service des prédateurs

Introduction

La corruption est l’un des fléaux majeurs qui entravent le développement de nombreux pays à travers le monde, tout en sapant la confiance des citoyens envers leurs institutions.

En ratifiant la Convention des Nations unies contre la corruption (UNCAC – United Nations Convention Against Corruption) en 2007, la Mauritanie s’est engagée à prendre des mesures fortes pour prévenir, détecter et sanctionner les actes de corruption, tout en protégeant les lanceurs d’alerte et en garantissant l’indépendance des organes chargés de faire respecter la loi.

Pourtant, le récent projet de loi n°10-25 ne répond nullement à ces engagements. Il apparaît comme une illusion législative, bien éloignée des besoins réels du pays.

Présenté comme une avancée majeure dans la lutte contre la corruption, le projet de loi n°10-25 n’est en réalité qu’un écran de fumée destiné à satisfaire formellement les exigences de l’UNCAC, à laquelle la Mauritanie est partie depuis 2007. Derrière cette façade juridique, ce texte creux s’apparente à une imposture, un simulacre qui semble davantage protéger les corrompus que les sanctionner.

L’UNCAC, pierre angulaire de la lutte internationale contre la corruption, impose aux États parties des mesures concrètes : prévention (article 5), poursuites effectives (articles 30 à 34), protection des lanceurs d’alerte (article 33), transparence des institutions (article 9) et indépendance des organes de contrôle (articles 36 à 40). Or, le projet de loi mauritanien ne tient compte d’aucune de ces exigences fondamentales : il élude la protection des lanceurs d’alerte, néglige l’indépendance des institutions chargées de son application, et refuse toute portée rétroactive, garantissant ainsi l’impunité des anciens prédateurs.

Le pays dispose déjà de plusieurs textes, comme le Code pénal ou la loi n°2016-014 sur la transparence financière, qui auraient pu servir de leviers efficaces si une volonté politique sincère existait. Depuis 2023, la Cour des comptes dénonce de nombreux cas de mauvaise gestion financière portant sur des montants vertigineux. Pourtant, aucune procédure judiciaire sérieuse n’a été engagée. Ce projet de loi n’apporte aucune garantie de changement réel : il se contente d’énoncés juridiques vagues et imprécis, sans renforcer la sécurité juridique.

En ratifiant l’UNCAC, la Mauritanie s’est engagée à instaurer un système transparent, efficace et protecteur à l’égard des citoyens courageux. Ce texte bâclé trahit cet engagement, tant dans l’esprit que dans la lettre. Il s’agit d’une réponse cosmétique, conçue pour apaiser la communauté internationale, mais qui ignore totalement les attentes légitimes du peuple mauritanien, en quête de justice et de vérité.

La lutte contre la corruption ne peut se réduire à un simple exercice de conformité internationale. Elle doit être une priorité nationale, portée par des institutions véritablement indépendantes, une justice impartiale et une société civile protégée et engagée. Tant que ces conditions ne seront pas réunies, la Mauritanie restera prisonnière d’un système où l’impunité règne, et où la confiance des citoyens envers leurs dirigeants est irrémédiablement rompue.

Conclusion

La corruption est un poison qui gangrène la Mauritanie et compromet toute perspective de développement durable. Le projet de loi n°10-25, tel qu’il est conçu, ne fait que perpétuer ce fléau, en offrant une illusion de progrès tout en garantissant l’impunité des puissants.

Pour que la Mauritanie honore réellement ses engagements internationaux et offre enfin à ses citoyens une gouvernance transparente, il est indispensable d’entreprendre une réforme en profondeur, courageuse et sincère. Cela implique l’adoption d’un texte conforme aux articles clés de l’UNCAC, l’indépendance effective des institutions de contrôle, la protection des lanceurs d’alerte et une justice impartiale. Faute de quoi, toute loi restera une façade, un mensonge d’État, qui trahit avant tout ceux qu’il prétend défendre : les citoyens.

Par Cheikh Sidati Hamadi,
Expert senior en droits des CDWD,
Essayiste, chercheur associé





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