05-06-2025 11:54 - Sénégal: clap de fin pour le dialogue national sur le système politique

RFI AFRIQUE -
Pendant une semaine, les partis politiques sénégalais, le pouvoir, l'opposition et des membres de la société civile ont débattu sur les mesures à prendre pour consolider la démocratie, sur le déroulement des élections, le financement des partis politiques, mais aussi les droits et libertés.
Au Sénégal, ce dialogue national a rassemblé quelque 800 participants avec 191 partis politiques invités et quelque 800 participants. 15 000 propositions de réforme ont été formulées par des citoyens sur une plateforme participative. Le consensus est difficile à trouver. Pour preuve, la cérémonie de clôture a pris du retard, le temps de tenter de lisser les derniers différends.
Pour les représentants de la majorité, ce dialogue pour consolider la démocratie a permis de dégager plusieurs recommandations importantes. Ndeme Dieng était observateur dans la commission sur les réformes institutionnelles. Un fait important, selon lui, « de passer d'un Conseil constitutionnel à une Cour constitutionnelle. L'ensemble des acteurs politiques et la société civile s'accordent sur la nécessité d'avoir une haute autorité pour la gestion des élections, pour des élections transparentes, indépendantes et inclusives. »
Plus d'indépendance de la commission électorale
Plus d’indépendance de la commission électorale et la création d’une Cour constitutionnelle dont les juges ne seraient plus nommés par le chef de l’État. Mais à la demande de la société civile et de l’opposition que de simples citoyens puissent saisir cette cour, la majorité n’a pas souhaité retenir cette recommandation.
Les participants ont par ailleurs échoué à s'entendre sur la façon de parvenir à réduire le nombre de partis politiques, sachant qu’il y a 386 formations politiques au Sénégal pour 18 millions d’habitants. Mais pour le fondateur du mouvement citoyen Y en a marre, Fadel Barro, c’est plutôt une bonne nouvelle, car il faut protéger la liberté d’association. « Même mille partis politiques ne posent pas de problème, si l'État arrive à rationaliser, dans les modalités pratiques, l'accès à la candidature, c'est ça qui est mis en cause. Si on applique déjà la loi de manière rigoureuse, on assistera déjà à une diminution du nombre de partis ».
Plusieurs points d'accord
Parmi les points sur lesquels tout le monde est tombé d’accord : l’interdiction de cumuler la fonction de chef de parti et de chef de l’État ou encore d’être ministre et président d’un conseil départemental. Un oui de principe a également été donné à l’adoption d’un bulletin unique plutôt que des bulletins par candidats, mais aussi au fait de donner le droit de vote aux détenus, tout cela sous réserve d’une étude de faisabilité tout de même. Les participants sont aussi tombés d’accord sur le principe de donner un statut à l’opposition.
Déception en revanche du côté de représentants de la jeunesse, l’inscription automatique des plus de 18 ans au fichier électoral n’a pas été retenue. Une erreur selon Madaour Sylla dans un pays où 75% de la population a moins de 35 ans. « Ils disent qu'il est opportun d'aviser le citoyen de son droit d'être inscrit sur le fichier électoral. Alors, nous pensons qu'il y a beaucoup de jeunes qui manifestent la volonté d'être sur le fichier électoral, mais qui subissent des entraves procédurales en raison du délai très court qui est prévu pour l'inscription sur le fichier électoral ».
Peu de consensus du côté des droits et libertés publiques
Pas de consensus non plus ou très peu du côté des droits et libertés publiques. Les participants ne sont pas mis d’accord pour demander l’abrogation des articles controversés du code pénal qui autorisent des poursuites pour atteinte à la sûreté de l’État et offense au chef de l’État, des articles qui ont servi dans le passé à politiser la justice. Pas de consensus, la majorité invoquant des risques pour la stabilité de l’État. Pour Cheikh Tidiane Gadio, ancien vice-président de l’Assemblée nationale et à la tête du parti d’opposition MPCL, si peu de consensus sur des questions fondamentales de démocratie, c'est une déception.
« Je suis déçu parce que je me disais qu'on a décidé de dialoguer, parce que le Sénégal a traversé des moments difficiles ces dernières années et qu'on a voulu faire avancer les choses. C'était l'occasion de prouver que nous sommes tous prêts. La crispation est encore là , mais on garde l'espoir que ce pays est meilleur que cela et que nous allons progresser ».
C'est donc un consensus a minima pour un dialogue politique boycotté par le principal parti de l’opposition, l’APR de Macky Sall, même si certains membres ont participé à titre individuel. La prochaine étape est désormais de soumettre ces recommandations au président de la République qui s’est engagé à faire appliquer tous les points de consensus.
L'une des grandes demandes formulées ici est celle de voir les recommandations appliquées sachant qu’aucune de celle formulée il y a un an n’a encore été appliquée. Ces recommandations doivent désormais être soumises au chef de l’État qui a promis d’appliquer l’ensemble des points qui font consensus.
Avec notre correspondante à Dakar,
Léa-Lisa Westerhoff