15-06-2025 16:33 - Chroniques d'un officier subalterne (6ème épisode) / Ely Krombele

Chroniques d'un officier subalterne (6ème épisode) / Ely Krombele

Erratum, le lieutenant Meine est issu du 1er Cpos 1984-85 et non le 2ème.

Le geste du capitaine Arbi Ould Jedeine auprès du marabout Ely Cheikh Ould Moma a été un déclic pour moi... Et pourtant je suis habitué à ce genre de "spectacle" tant qu'il émanait d'individus peu éduqués aussi bien sur le plan intellectuel que spirituel.

Pour cela, au lieu de supplier des humains, même plus savants que moi, mais qui ignorent eux-mêmes leur sort auprès de leur créateur, pourquoi ne pas invoquer Allah directement sans intermédiaire afin d'exaucer nos volontés, je veux dire, Sa Volonté?

Qui peut me reprocher cette démarche spirituelle en tant que musulman? Que ceux qui s'y opposent parlent maintenant ou se taisent à jamais...

4/ une saison à Fdérik, un séjour à Bir Moghrein..

Sans l'implantation d'une base militaire à Fdérik, ce coin aurait ressemblé à un paysage lunaire ou un site après une frappe nucléaire. Il y a trois points qui caractérisent cette espèce de "bourgade": le guelb Athoumaî, le tombeau de Cheikh El Weli Ould Cheikh Melainine et ...les nombreux troupeaux de chèvres " gouéré" errant dans des rues au lotissement cependant irréprochable mais vides de trafic et de population.

En effet les rues de Fdérik sont dégagées, mais on dirait que les habitants de cette agglomération se sont entendus sur la consigne d'éviter de sortir, ce qui donne l'impression que les caprins sont plus nombreux que leurs propriétaires. Vivre plus de 45 jours à Fdérik sans sortir de cette "bourgade" relèverait d'un des douze travaux d'Hercule.

S'il n' y avait pas la ville minière voisine de Zouèrat à une trentaine de kilomètres pour décompresser, l'Armée aurait été dans l'obligation permanente de solliciter les services du docteur psychiatre Dia. A Fdérik, il fallait aussi avoir les faveurs de certaines personnalités du terroir sans lesquelles votre séjour sera considéré comme inachevé; il s'agit du feu sénateur Ould Bollé, de feue Deyé Mint Lezgham ou de Ehel Badeine.

A mon arrivée au sous-groupement 41 à Fdérik, il avait comme chef le lieutenant Ely Fall Ould El Khal. C'était à un moment où l'homme était découragé, puisque n' étant pas admis au dernier brevet de capitaine, contrairement à Félix Négri, Ethmane Ould Caza, feu Tourad Ould Beibacar et Mohamed Ould El Hadi, "qui ne sont en aucun cas meilleurs que moi", lançait -il souvent. Je lui concède son assertion. En 1984, la 2ème région militaire de Fdérik était commandée majestueusement par le colonel Ahmedou Ould Abdallah yarahmou.

Il était l'incarnation même de la vertu platonicienne et donnait sa fierté à cette institution militaire dont il était un des symboles. Au sous-groupement 41, il y avait aussi, en plus des officiers venant de Kaédi, le lieutenant Ahmedou Ould Abdallah( yarahmou), neveu ou cousin du colonel cdt la région. Il fût un moment où il était malade et le capitaine médecin de l'époque Zeini Ould Selmé qui logeait à Zouèrat, l'autorisa à venir se soigner dans la ville minière, afin de le suivre de près et lui permettre également d'ingurgiter une alimentation adaptée. Puisque les repas au sous-groupement 41 manquaient de calcium, de fer et de vitamines appropriées.

Donc pour sa convalescence et son traitement, le lieutenant Ahmedou a habité chez son oncle, le colonel Ahmedou Ould Abdallah. Le 12/ 12/ 1984, j'étais venu saluer le lieutenant, lorsque deux civils entrèrent dans le salon, "porteurs d'une lettre de la part du président Mohamed Khouna Ould Haidalla". Je crois que le capitaine Zeini Selme était présent également, en plus d'une partie de l'équipage du colonel, toujours prêts à faire mouvement. Devant tout ce monde, l'un des civils sans doute tous deux proches parents du président Haidalla (encore chef de l'Etat pour quelques minutes), dit qu'ils viennent de sa part, et qu'ils attendaient la suite réservée au contenu de la missive.

Le colonel Ahmedou Ould Abdallah qui était probablement au courant du coup d'Etat qui se tramait, leur a répondu en Hassanya comme ceci:" d'abord vous n'êtes pas des émissaires responsables, la preuve en est que vous êtes indiscrets puisque vous divulguez le nom de votre mandant devant un parterre de gens que vous ne connaissez même pas.

A l'avenir il faut garder la discrétion de l'émissaire, qui n'est qu'un envoyé". Personnellement, et n'étant au courant de rien, j'avais mis l'intervention du colonel Ahmedou Ould Abdallah sur le critère de sa forte personnalité, de son franc-parler comme il en avait l'habitude. Il était combatif et croyait en lui-même. La preuve, un jour, un sous-officier et son équipage, avaient déserté avec une mitrailleuse montée sur une land-rover et se seraient dirigés du côté du mur marocain.

Le colonel Ahmedou informé prit des éléments et poursuivit le sous-officier et son équipage. Arrivés aux confins de la frontière marocaine du Sahara, Maawiya alors chef d'Etat-Major lui intima l'ordre de rebrousser chemin afin d'éviter tout incident. De sources concordantes, le colonel Ahmedou coupa la radio et continua jusqu'à trouver le déserteur. Je n'étais pas en ce moment à la 2ème région mais il paraît que cet événement est exact. Quant à l'histoire des émissaires de Ould Haidalla du 12-12-1984, j'étais moi-même assis dans l'un des fauteuils bourrés du salon du colonel Ahmedou.

Les deux civils envoyés par Ould Haidalla sont sortis mécontents, certes avec, sans doute la ferme intention de rendre compte au président de l' "excès de zèle" de ce colonel chreigman. Ah si l'on savait que Ahmedou Ould Abdallah avait déjà donné instruction à son pilote du "defender" de se préparer à mettre le cap sur la capitale Nouakchott dans l'après-midi du 12 décembre 1984, on aurait eu une autre lecture de ce "savon" passé sur ces deux pauvres civils envoyés par un président renversé dans la même journée alors qu'il était en voyage à Bujumbura, capitale du Burundi. Haidalla déchu, Maawiya avec une autre junte militaire ont pris le pouvoir.

Ahmedou Ould Abdallah sera CEMGA pendant quelques temps , avant d'être mis à la retraite lui aussi. Il était trop sérieux et suffisant pour composer avec la nouvelle équipe. Il rejoindra son fief de Hassi Abdallah jusqu'à son décès. Cet grand officier est mort dans la dignité, quand il a su que sa page était tournée, le pionnier n'a jamais oublié que "seul le silence est grand", et que le vacarme post-retraite est abjectement de faiblesse; une faiblesse d'ailleurs inopportune au "âmes bien nées", puisque le plus souvent sans issue et généralement humiliante. Les sages sont ceux qui savent laisser passer les vagues déconcertantes et ce, avec un stoïcisme de poète parnassien.

Le lieutenant Ely Fall, parti faire le 1er Cpos ( 1984-85, concours de perfectionnement pour officiers subalternes), sera remplacé par le lieutenant Mohamed Ould Nagi Ould Menaba. Nagi Manaba n'a pas duré avec nous, puisqu'il sera muté au 5ème ECR( escadron statique) de Néma et remplacé par Mohamed Lemine Ould Taleb Jiddou dit Meine. J'ai déjà parlé de cet brillant officier, mais qui sur le terrain, n'a jamais eu la chance de légitimer ses profondes connaissances ni intellectuelles, ni militaires. Un gâchis...et allez savoir pourquoi....

Après le départ de Meine pour le 2ème Cpos(1985-86) à Atar, il sera remplacé par le fameux Nagi Ould Ghazwani. Dès sa prise de fonction, le lieutenant Nagi Ould Ghazwani m'a convoqué, apparament renseigné du fait que j'étais l'officier qui revendiquais le plus pour une bonne alimentation destinée aux militaires du rang et cadres sous-officiers. Il m'a dit ceci " j'ai donné des consignes strictes au sous-officier de l'ordinaire, le sergent-chef Diarra, les soldats doivent bien manger puisque c'est leur droit...."

Quelques semaines plus tard, quelques mois, rien n'avait changé. C'est le syndrome de la plupart des officiers, moi y compris, mais dans une moindre mesure. Nagi Ould Ghazwani frictufiait l'argent depuis fort longtemps, contrairement à ses autres cousins officiers que j'ai eu l'honneur de rencontrer et de connaître. Comme quoi, même portant les mêmes chromosomes, on n'est pas tenu d'avoir les mêmes centres d'intérêts. N'est-ce pas que le biologique ignore le matériel?

Quelques temps après , le lieutenant Mohamed Cheikh Ghazwani va rejoindre le sous-groupement 41, pas pour longtemps avant d'être muté à Nouakchott, pour ensuite aller faire le 3ème Cpos (1986-87). Officier de grande moralité, éduqué, attentif et juste, c'est l'impression que j'ai eue de lui, depuis le début, jusqu'à nos jours.

b/ Avant d'être président, Ghazwani est d'abord un officier:

Personne de par le monde n'a passé un diplôme pour la fonction présidentielle. Cet office plus qu'un rituel religieux, alors régalien, est une mission qui s'exerce en équipe et de manière empirique. (A suivre Incha'Allah, 7ème épisode)

ELY SIDAHMED KROMBELE





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Source : Ely Krombele
Commentaires : 2
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Commentaires (2)

  • yanis (H) 15/06/2025 20:41 X

    On rapporte qu'au sortir de la première réunion du nouveau comité militaire le 12/12/1984, feu le colonel Ahmedou O. Abdallah a dit à certains autres civils venus à son domicile pour le féliciter que les hauts officiers militaires avaient mis à leur tête Mouawiya mais pas pour longtemps. Cette indiscrétion dans un salon mauritanien, niche souvent de taupes, n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. On connait par la suite la courte carrière du colonel et la présidence la plus longue de l'histoire de la Mauritanie du discret Mouawiya resté au pouvoir plus de 20 ans...

  • activiobservat (H) 15/06/2025 19:48 X

    Diaspora pages -- Merci M. Ély Krombele pour ces chroniques.SVP faites-en des memoires, un livre d'histoire qui puisse faire partie des écrits utiles pour nos générations futures pour découvrir et garder leur histoire, dans ce pays où presque personne ne cherche à contribuer à l'écriture de cette histoire. Pourtant la plupart de nos élites ont été formées par l'école primaire, secondaire et supérieure aux frais de cette pseudo nation, mais au lieu de contribuer à construire la nation y compris l'écriture de son histoire, la plupart de ces élites s'adonnent plutôt aux trafics de tous genres, à l'exhibitionnisme tribal vieillot, au faux et usage de faux. Au lieu d'écrire l'histoire du pays ils ont enterré les livres comme Elwessit qui était parmi les premiers écrits, et vont certainement enterrer les écrits de Oul Hamidoun. Merci M. Élu Krombele pour vos articles que nous admirons.