26-08-2025 20:18 - Octroi des visas en Mauritanie : Diplomatie ou dérive consulaire ?

Octroi des visas en Mauritanie :  Diplomatie ou dérive consulaire ?

Le Quotidien de Nouakchott - En Mauritanie, l’octroi de visas est en train de devenir un terrain où la souveraineté nationale se dissout dans une zone grise. Certes, le visa reste du ressort exclusif de chaque pays. Mais lorsqu’une mission diplomatique opère sur le sol mauritanien, elle devrait s’astreindre à un cadre fixé par l’État hôte.

Or, le constat est amer : les ambassades semblent agir à leur guise, sans encadrement ni contrepoids, avec des pratiques qui frôlent l’abus. Ce laisser-faire s’explique par l’attitude pour le moins passive du ministère mauritanien des Affaires étrangères.

Normalement garant du respect des usages diplomatiques et protecteur des citoyens face aux abus consulaires, le département semble avoir démissionné de ce rôle. Son absence se traduit par une tolérance coupable, qui permet aux représentations étrangères de dicter leurs propres règles sans craindre le moindre rappel à l’ordre.

En d’autres termes, le ministère, censé défendre la souveraineté de l’État dans ses rapports extérieurs, s’est mué en simple spectateur. Or, dans le domaine hautement sensible des visas – qui touche directement à la dignité et à la liberté de circulation des citoyens –, cette abdication est perçue comme un abandon pur et simple de ses prérogatives.

Le cas turc : l’euro imposé

À Nouakchott, l’ambassade de Turquie exige que les frais de visa soient réglés exclusivement en euros. Une disposition totalement contraire aux réglementations mauritaniennes, qui interdisent toute transaction en devises étrangères pour des opérations locales. Comment comprendre que, sur le territoire national, une chancellerie impose une monnaie étrangère au mépris des règles en vigueur ?

Le cas marocain : la tribu comme critère

L’ambassade du Maroc, quant à elle, pousse l’ingérence plus loin : son formulaire de demande de visa oblige les requérants à indiquer leur appartenance tribale. Une exigence choquante, puisque la législation mauritanienne ne reconnaît aucune appartenance de ce type et que la Constitution s’efforce au contraire de combattre le tribalisme. Comment accepter qu’une représentation étrangère réintroduise par la petite porte ce que l’État tente d’éradiquer ?

Le cas américain : des frais exorbitants pour un refus express

À l’ambassade des États-Unis, les demandeurs doivent s’acquitter de frais de visa particulièrement élevés. Officiellement, ces sommes couvriraient « les frais de recherche et de documentation ». Mais chacun sait que, dans la majorité des cas, la décision – négative – tombe en quelques minutes, sans véritable instruction. Le sentiment d’une ponction injustifiée est largement partagé.

Le cas espagnol : un marché de rendez-vous

L’Espagne a externalisé la collecte des dossiers à une société privée. En théorie, un moyen de moderniser le service. En pratique, la corruption gangrène le système : obtenir un rendez-vous passe quasi obligatoirement par un intermédiaire, moyennant finance. La légitimité et la transparence s’en trouvent piétinées. Et les lignes téléphoniques mises à disposition continuent à sonner dans le vide.

Le cas français : l’attente indigne

Enfin, l’ambassade de France persiste dans une pratique humiliante : des files interminables de demandeurs, contraints d’attendre sous les arbres, dans la rue, parfois des heures durant. Un traitement qui bafoue la dignité de citoyens venus simplement exercer un droit de mobilité.

Où est l’État ?

L’enjeu dépasse la simple gestion des visas. Il s’agit de restaurer l’autorité de l’État mauritanien face à des pratiques étrangères qui, en l’absence de garde-fous, sapent la souveraineté nationale et dégradent l’image du pays. Il est urgent que le ministère reprenne ses responsabilités : fixer des normes, veiller à leur application, et rappeler aux chancelleries que le respect mutuel commence par celui des lois et des citoyens de l’État hôte.

Faute de quoi, la délivrance des visas restera un espace de dérégulation, de marchandage et de mépris – et le ministère, par son inaction, portera la responsabilité d’une abdication silencieuse de souveraineté.





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Commentaires (2)

  • moukhabarat (F) 27/08/2025 14:39 X

    Vous avez parfaitement raison. Notre diplomatie s'occupe plus de gérer les crédits plutôt que des problèmes des citoyens. Par exemple aux États-Unis il y'a des milliers de migrants qui sont totalement ignorés par le Ministère des affaires étrangères car dans un pays qui se respecte l'effectif de notre ambassades à Washington devrait être multiplié par 10 avec l'ouverture de consulats dans toutes les villes où se trouvent les mauritaniens en nombre et surtout des budgets substantiels (ah! Ils aiment cette musique nos diplomates...) pour venir en aide aux nécessiteux...frais d'avocat...contact avec leur famille en Mauritanie. Pour notre Etat ces pauvres migrants sont considérés comme des bandits alors qu'on dépenses des millions pour sauver les aventuriers en mer vers l'Europe: rien de plus normal parce que nous sommes payés en Euro pour ce boulot...

  • activiobservat (H) 26/08/2025 22:23 X

    Les medias parlent souvent des incompetences des ministeres chargés des infrastructures de base eau, energie...alors que les incompétentes dans les ministères de souveraineté peuvent être plus graves pour le pays car leurs conséquences sur la souveraineté et sur les autres secteurs d'économie et services expliquent tout. Par exemple pour la diplomatie, il ne faut s'attendre à rien de ce ministre Oul Merzoug sauf que sa présence aux affaires etrangères va endommager et ternir l'image du pays à l'extérieur, et va pousser les négociateurs étrangers à profiter de ses faiblesses et complexes et manque de confiance en lui même pour qu'ils osent piétiner la souveraineté nationale. C'est vraiment dommage que les efforts diplomatiques du président Ghazouani et les efforts des ministres chargés des nfrastructures et services de bases, vont être handicapés par la présence de ce ministre Oul Merzoug dans ce ministère de souveraineté vitrine extérieure du pays censé rapporter des gains pour le pays en financements des services de base et en respect pour que les mauritaniens ne soient victimes tués à sang froid sur nos frontières du Nord et du Sud. Non, il ne fait rien de tout ça. Il reste otage de ses complexes d'appartenance à sa propre communauté Haratine qu'il évite alors que cette honorable communauté regorge de hautes personnalités dignes et fières. Il évite également. Ses collaborateurs le qualifient de complexé, vindicatif, incapable de collaborer de façon normale avec les cadres de haut niveau à cause de ses complexes.