06-09-2025 15:00 - Registre social de Taazour: un tri sur mesure !

LA DÉPÊCHE -
Quelle pertinence, quelle transparence et quelles conséquences sociales a la nouvelle révision du registre social de Taazour?
Présentée en aparté, la révision du registre social cache mal les problèmes de fonds d’une administration incapable de plus en plus de sortir des vieux réflexes. Loin de rassurer les populations, les explications à ce toilettage du registre font grincer des dents.
Les interrogations fusent, en effet, depuis que la Délégation générale à la Solidarité nationale et à la Lutte contre l’Exclusion (Taazour) a annoncé une nouvelle révision dans le registre social, visant à retirer les familles ayant dépassé le seuil de pauvreté pour faire place aux ménages jugés « plus pauvres et plus vulnérables ».
Taazour argue à l’occasion de critères “scientifiques”. Pour l’heure l’opacité est totale.
Le président Ghazouani a depuis longtemps enfourché le cheval de bataille contre la promiscuité des conditions de vie de ses compatriotes. Un engagement qui remonte à son premier mandat qui a vu la création de l’Agence Taazour. Créée en 2019, un décret qui lui confère le pilotage de programmes et projets de lutte contre la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation. Des objectifs qu’elle ne risque pas de réaliser si une grande lessive n’y est pas opérée.
Une révision au goût d’exclusion
L’Etat y aurait perdu en moyens, en temps et en opportunités irrattrapables. Le sentiment répandu avec la révision actuelle est que l’aide sociale devient un privilège temporaire, et non un droit durable. En effet, Taazour affirme fonder cette révision sur des enquêtes scientifiques menées sur plus d’un an à travers le pays. Mais quels sont exactement ces critères ?
Quelle est la méthode utilisée pour déterminer qu’une famille est sortie de la pauvreté ? Dans un pays où les revenus sont largement informels, les conditions de vie très volatiles, et où le coût de la vie ne cesse d’augmenter, le passage au-dessus du seuil de pauvreté peut être temporaire, voire illusoire.
Le recensement déjà peu orthodoxe au début et marqué par le clientélisme risque encore de fragiliser les familles en transition précaire sous le fallacieux prétexte qu’elles ne sont plus pauvres. Une porte ouverte à une nouvelle ère de népotisme et, dans le meilleur des cas, une malgouvernance des deniers publics mobilisés pour lutter contre la pauvreté dans notre pays. Pire, une telle initiative pourrait même consacrer une rupture sociale pérenne et un cercle vicieux de pauvreté.
Une logique d’exclusion où beaucoup de familles pourraient retomber dans la précarité sans filet de sécurité, surtout si les autres programmes censés prendre le relais s’avèrent aussi inefficaces ou insuffisants.
Pas rassurant du tout
Derrière son discours de mise à jour « juste et transparente », Taazour occulte, sans doute, une explication en lien avec les moyens mobilisables pour faire semblant encore de continuer un travail soupçonné bâclé? En fait, Taazour ne libère pas plus de place aux démunis, elle redéploie la protection sociale dans d’autres poches sans véritablement déraciner le mal.
De quoi inquiéter les citoyens face à la “justice” car à l’expérience, ces dispositifs sont souvent formels et peu accessibles aux populations les plus marginalisées.
Contrairement aux ambitions du président pour sortir de l’ornière, ce manège risque de multiplier les frustrations, les incompréhensions, et le sentiment d’abandon parmi les citoyens qui auront été retirés du registre sans explication claire ou sans réelle alternative.
En théorie, la volonté de cibler en priorité les plus vulnérables est une orientation cohérente. Mais en pratique, cette nouvelle phase du registre social semble moins guidée par une vision inclusive du développement que par une logique de thésaurisation des moyens qui ne vont pas tous aux populations.
L’obsession de Taazour devrait être de renforcer les mécanismes de suivi, garantir la transparence totale des critères, et surtout, étendre les moyens plutôt que de les redistribuer au compte-gouttes.