14-09-2025 21:47 - Jusqu’à 16 000 calories par jour : dans ce pays, les filles sont gavées pour grossir à tout prix

Jusqu’à 16 000 calories par jour : dans ce pays, les filles sont gavées pour grossir à tout prix

OUEST FRANCE - Alors que l’Occident célèbre la minceur et le culte du corps sculpté, certaines régions de Mauritanie continuent de valoriser le surpoids chez les femmes. Une tradition appelée « leblouh », ou le gavage, soulève aujourd’hui des débats entre préservation culturelle et droits humains.

En Mauritanie, un pays saharien d’Afrique de l’Ouest, l’idéal féminin n’est pas la silhouette fine popularisée par les standards occidentaux, mais la corpulence. 

Traditionnellement, plus une femme est grosse, plus elle est considérée comme belle, saine, et désirable, pointe France Info . Cette perception est enracinée dans l’histoire du pays : la graisse a longtemps été synonyme de richesse, de fertilité, et de statut social.

C’est dans ce contexte qu’est né le « leblouh », une pratique consistant à gaver les jeunes filles dès leur plus jeune âge pour les faire grossir rapidement, souvent entre 5 et 14 ans, précise un article de Harvard International Review.

L’objectif : les préparer au mariage, parfois dès l’adolescence. Le phénomène est particulièrement répandu dans les zones rurales, bien que le gouvernement mauritanien affirme depuis les années 2000 vouloir lutter contre cette tradition.

Des méthodes extrêmes et violentes

Le gavage est souvent imposé par les familles, et réalisé par des femmes âgées ou des nourrices, comme l’expliquait l’une de ces gaveuses au Courrier International en 2008. Les méthodes sont éprouvantes : consommation forcée de plusieurs litres de lait de chamelle ou de vache par jour, repas caloriques à répétition, privation de mouvement, voire punitions physiques si la fille vomit ou refuse de manger.

Un proverbe local résume la pression sociale : « Une femme fine est une honte pour sa famille. » Les filles peuvent ainsi consommer jusqu’à 16 000 calories par jour, soit plus de six fois l’apport calorique recommandé pour un adulte. Le résultat : des corps très enrobés dès l’adolescence, au prix d’une santé souvent compromise.

Entre tradition et risques sanitaires

Les conséquences sont lourdes : obésité morbide, diabète de type 2, hypertension, problèmes articulaires, et détresse psychologique. Pourtant, le « leblouh » demeure dans certaines régions un passage obligé vers le statut, de « vraie femme », notamment dans les communautés où la modernité peine à remplacer les rites ancestraux pointe le magazine Afrique éducation.

Malgré l’illégalité du gavage forcé depuis 2003, le manque de contrôle et la persistance des normes sociales freinent les progrès. Des campagnes de sensibilisation ont été menées par des ONG locales et internationales, comme Amnesty International, mais les résultats restent fragiles.

Un contraste saisissant avec l’Occident

Ce culte de la corpulence contraste radicalement avec les normes de beauté occidentales, qui valorisent la minceur, le contrôle de soi, l’activité physique, et un corps souvent « tonique ». Dans la majorité des pays européens et nord-américains, les femmes subissent une pression constante pour perdre du poids, parfois jusqu’à l’obsession.

Alors que le body positivism (mouvement social en faveur de l’acceptation et l’appréciation de tous les types de corps humains) tente de redéfinir les standards, les injonctions restent fortes dans les médias, la mode, et même le milieu médical. Le paradoxe est frappant : là où une femme en surpoids est souvent stigmatisée en Europe, elle peut être adulée en Mauritanie, et perçue comme un modèle de réussite sociale et de féminité accomplie.

Des femmes entre deux mondes

Avec l’accès croissant aux réseaux sociaux et à la culture mondiale, les jeunes générations mauritaniennes sont de plus en plus partagées, comme en témoigne la vidéo de la youtubeuse Josie Lifts qui s’est rendue sur place. Certaines rejettent le « leblouh », aspirent à un corps plus sain, et revendiquent leur droit à disposer de leur corps. D’autres, en revanche, continuent de voir la corpulence comme une forme d’identité et de fierté.

Vers un changement des normes ?

Le débat reste sensible. Pour certains, l’éradication du « leblouh » est nécessaire au nom des droits humains et de la santé publique. Pour d’autres, il s’agit d’un combat colonial contre les cultures locales, et toute réforme doit venir de l’intérieur, menée par les femmes mauritaniennes elles-mêmes.

Par Noémie DAMBRIN.




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Source : Ouest-France
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