11-10-2025 18:00 - Madagascar : une unité de l'armée appelle à la désobéissance et refuse de tirer sur les manifestants

Madagascar : une unité de l'armée appelle à la désobéissance et refuse de tirer sur les manifestants

FRANCE24 - La pression s'accentue sur le pouvoir malgache. Samedi 11 octobre, un contingent de l'armée posté près d'Antananarivo a appelé les forces de sécurité à "refuser les ordres de tirer" sur la population, alors que plusieurs milliers de manifestants dans la capitale ont été rejoints par des militaires.

Les forces de l'ordre ont fait usage samedi de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes pour disperser les manifestants mobilisés dans la capitale, mais des groupes de soldats ont ensuite rejoint la foule dans la rue.

Les manifestations de samedi, à Antananarivo et ailleurs sur l'île, sont les plus importantes depuis plusieurs jours, à l'appel d'un mouvement mené par les jeunes appelés "Gen Z" qui avait commencé comme une protestation contre les coupures d'eau et d'électricité et a mué en une contestation plus large du pouvoir, incarné par le président Andry Raojelina, 51 ans.

"Refusons d'être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs"

"Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d'être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs", ont déclaré dans une vidéo des soldats du Capsat (Corps d'armée des personnels et des services administratifs et techniques), stationnés sur l'importante base militaire du district de Soanierana, en périphérie d'Antananarivo.

"Les jeunes peinent à trouver du travail alors que la corruption et le pillage de la richesse ne cessent de s'accroître sous différentes formes" et que "les forces de l'ordre persécutent, blessent, emprisonnent et tirent sur nos compatriotes", ont souligné ces soldats.

"À tous les militaires, ceux qui sont prêts à prendre leurs responsabilités, rejoignez immédiatement le Capsat (...). Vous, les militaires aux palais présidentiels d'Iavoloha et d'Ambohitsorohitra, quittez votre poste et rejoignez vos camps d'origine (...). Vous qui êtes à (l'aéroport international d')Ivato, empêchez tous les aéronefs sans distinction de décoller", ont dit les militaires.

En 2009, cette base avait déjà mené une mutinerie lors du soulèvement populaire qui avait porté au pouvoir l'actuel président.

"Fermez les portails et attendez nos instructions. N'obéissez plus aux ordres venant de vos supérieurs. Braquez vos armes sur ceux qui vous ordonnent de tirer sur vos frères d'armes car ce ne sont pas eux qui vont s'occuper de notre famille si jamais on meurt", ont ajouté les militaires.

Le nombre de soldats ayant répondu à cet appel n'était pas connu dans l'immédiat. Mais des véhicules chargés de soldats armés ont rejoint dans l'après-midi des milliers de manifestants rassemblés dans la zone du lac Anosy, dans le sud de la capitale, où la police avait tiré des grenades lacrymogènes pour tenter de les disperser, montre une vidéo de l'AFP. Les manifestants ont crié "Merci" aux militaires, dont certains brandissaient des drapeaux malgaches.

Le nouveau ministre des Armées, Deramasinjaka Manantsoa Rakotoarivelo, a appelé les troupes au calme lors d'une conférence de presse. "Nous appelons nos frères qui ne sont pas d'accord avec nous à privilégier le dialogue", a-t-il déclaré. "L'armée malgache demeure un médiateur et constitue la dernière ligne de défense de la nation."

Le Haut-commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Volker Türk, avait demandé vendredi aux autorités malgaches de "cesser le recours à une force inutile", au lendemain de manifestations à Antananarivo ayant fait de nombreux blessés parmi les contestataires.

Un militaire comme Premier ministre

Des vidéos de la violence de la police sont devenus virales sur les réseaux sociaux. L'une d'elles montre un homme laissé inconscient au sol après avoir été poursuivi et sévèrement battu par les forces de sécurité, ce que des journalistes de l'AFP ont constaté sur place.

Au moins 22 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations le 25 septembre et plus d'une centaine blessées, d'après un bilan des Nations unies.

Le président Rajoelina a démenti des "chiffres erronés" mercredi, estimant les "pertes de vies" à 12, tous "des pilleurs, des casseurs" selon lui.

Après avoir adopté au début un ton conciliant, puis renvoyé son gouvernement en réponse aux manifestations, le président a depuis nettement durci le ton, nommant lundi un militaire comme Premier ministre ainsi que seulement trois nouveaux ministres jusqu'ici, tous issus des forces de sécurité : ceux des Armées, de la Sécurité publique et de la Gendarmerie.

Pays parmi les plus pauvres du monde, Madagascar a connu de fréquents soulèvements populaires depuis son indépendance de la France en 1960, notamment des manifestations de masse en 2009 qui avaient contraint le président de l'époque, Marc Ravalomanana, à quitter le pouvoir, tandis que l'armée installait Andry Rajoelina pour son premier mandat.

Ce dernier a été réélu en 2018, puis en 2023, lors d'élections contestées et boycottées par l'opposition.

Avec AFP





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Source : France24
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Commentaires (1)

  • ouldsidialy (H) 11/10/2025 20:47 X

    A Madagascar, l'interrogation posée par le mouvement de la génération Z est différente de celle du Maroc. Le pays n'est pas en développement. L'humanité malgache est encore ethnicisée. Bien que le sentiment national soit moins artificiel à Madagascar que dans la plupart des pays africains. Le processus de construction nationale endogène autour d'une matrice autochtone a été déconstruit à partir de 1895 par la colonisation. Une langue nationale autochtone écrite a survécu mais ne fait que survivre.

    1) La génération z demande moins de misère et une meilleure satisfaction des conditions de vie de base, pour le plus grand nombre, à l'intérieur du paradigme capitaliste réintroduit depuis 1991. Ce n'est pas d'actualité pour Madagascar !

    2) La révolution est impossible , puisque la société est encore trop ethnicisée et l'économie n'a pas d'autonomie endogène. La génération Z ne la demande de toute façon pas. L'intégration ethnique est néanmoins suffisante pour qu'il n'y ait pas de guerre civile.

    3) Dans ce genre de pays, un changement de régime est la même chose qu'un changement de pouvoir, qui est la même chose qu'un changement physique d'équipe dirigeante. La génération Z demande un changement de dirigeants. Elle l'aura !

    Les malgaches ont fait la même chose en 1972 en direction du paradigme communiste et à partir 1991 et par la suite, à plusieurs reprises, dans le cadre capitaliste. Rien ne changera temps que le paradigme économique global n'aura attribué une nouvelle place au pays.