13-11-2025 14:01 - Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouany/ Plaidoyer contre l’impunité
Sidiya Ould Ahemdi -- Monsieur le Président,
Il est temps d’en finir avec un système où le chef de l’État porte seul les fautes d’un gouvernement défaillant. Comme vous l’avez si bien dit à Nema, la Mauritanie a besoin d’une gouvernance de vérité, où la compétence prime sur la complaisance et où la loyauté à la nation passe avant la fidélité aux clans.
Monsieur le Président,
Vous êtes arrivé au pouvoir animé par un esprit d’apaisement et de réconciliation. Vous avez su poser les bases du dialogue et de la stabilité nationale. Dès les premiers jours de votre mandat, vous avez rassemblé les forces politiques, tendu la main à l’opposition et œuvré à réconcilier la nation avec son passé. Un passé marqué par de lourds héritages économiques, sociaux et institutionnels.
Malgré les crises successives,( la pandémie de la COVID-19, les tensions internationales et l’inflation mondiale) vous avez su préserver l’équilibre d’une Mauritanie longtemps fragilisée par des décennies de divisions, de gabegie et d’exclusion. Ce mérite est réel, et il convient à tous de le reconnaître avec respect et lucidité.
Sous votre leadership, des progrès réels ont été enregistrés dans le domaine des droits de l’homme en étroite collaboration avec les partenaires internationaux. Certaines victimes ont été réhabilitées, et les injustices du passé commencent à être reconnues.
Toute fois, des insuffisances subsistent, notamment dans le suivi de certains dossiers sensibles et dans l’inaction de quelques institutions pourtant chargées de garantir les droits fondamentaux. L’État s’efforce, certes, de traduire ses engagements en résultats concrets en matière d’égalité devant la loi, de la justice sociale, et les réparations des torts. Mais le rythme de ces avancées doit s’accélérer pour répondre aux attentes légitimes des citoyens.
Monsieur le Président,
Pour que la stabilité acquise se transforme en véritable changement, vous devez être entouré d’un gouvernement à votre image : honnête, compétent et proche du peuple. Le changement que vous avez vous-même appelé de vos vœux à Néma doit commencer par le sommet de l’État.
Chaque fois que les citoyens souffrent, que les prix flambent, que les injustices se multiplient ou que la corruption s’enracine, c’est toujours le Président qui est montré du doigt. Pourtant, ce ne sont pas vos mains qui gèrent les ministères, signent les marchés, recrutent les fonctionnaires ou supervisent les projets au quotidien.
Ce sont les membres du gouvernement, les directeurs et les hauts fonctionnaires, ceux qui détiennent les leviers de l’action publique et sont chargés de traduire vos orientations en actes.
Or, au lieu d’assumer pleinement leurs responsabilités, beaucoup se comportent comme de petits rois dans leurs départements, gérant selon leurs humeurs, leurs intérêts ou leurs réseaux, sans craindre ni audit ni sanction.
On parle souvent de gabegie et de corruption comme de fléaux. Mais le vrai fléau, c’est l’impunité. Des ministres et des hauts fonctionnaires échouent, détournent ou négligent leurs devoirs, puis quittent leurs fonctions sans rendre de comptes. Pendant ce temps, le peuple continue à souffrir, tandis que les mêmes pratiques se répètent.
On nomme, on remplace… et tout recommence.
Tant que ces réseaux d’influence conserveront leur pouvoir informel sur l’administration, la justice et la gestion publique, toute volonté politique, aussi sincère soit-elle, se heurtera à des résistances internes.
C’est là , Monsieur le Président, le vrai défi de votre mandat : transformer la stabilité en changement durable, pour faire de l’État un instrument au service du peuple, et non des intérêts particuliers.
La Mauritanie a besoin d’une gouvernance de vérité, d’un État qui protège et qui rend des comptes, où la compétence prime sur la complaisance et où la loyauté à la nation passe avant tout.
La confiance ne reviendra que lorsque chacun assumera ses actes, au lieu de tout faire retomber sur un seul homme, quel qu’il soit. Et ceux qui ont l’honneur de diriger doivent comprendre que le temps de l’impunité est révolu.
Recevez, Monsieur le Président, l’expression de mon profond respect et de ma sincère espérance en une Mauritanie de justice, de vérité et de responsabilité partagée, pour une Mauritanie de vérité.
Sidiya Ould Ahemdi
Président ONG Anciens Esclaves Nouveaux Citoyens
