06-04-2024 20:20 - Expulsions de migrants dans le désert : le Niger convoque l'ambassadeur d'Algérie

Expulsions de migrants dans le désert : le Niger convoque l'ambassadeur d'Algérie

Info Migrants - Niamey a convoqué mercredi l’ambassadeur d’Algérie, Bekhedda Mehdi, pour protester contre les expulsions "violentes" de Noirs dans le désert à la frontière dans l'extrême sud algérien. Les renvois de migrants dans le Sahara par Alger ne sont pas nouveaux et ont été régulièrement documentés ces dernières années.

Niamey tape du poing sur la table. Le gouvernement du régime militaire nigérien a convoqué mercredi 3 avril l’ambassadeur d’Algérie à Niamey pour "protester" contre les nombreuses opérations de refoulement de milliers de migrants ouest-africains par l’Algérie vers le Niger voisin - et leur "caractère violent". C'est en tout cas ce que révèle un communiqué consulté jeudi par l’AFP.

Selon les autorités de Niamey, Alger a "intensifié depuis quelques jours" ses opérations de rapatriement et de refoulement de Noirs en situation irrégulière. "Des vastes opérations de rafles policières sont régulièrement menées dans certains quartiers de la ville de Tamanrasset [dans le sud du pays] où vivent des ressortissants des pays subsahariens dont de nombreux Nigériens", indique le gouvernement de Niamey.

Selon le Niger, des témoins ont rapporté qu’au cours de ces opérations, "de nombreux domiciles notamment nigériens" ont "été saccagés par des éléments de la police algérienne qui saisissent tous les objets de valeur qu’ils trouvent sur les lieux".

C’est "face à la gravité de cette situation" que le ministère nigérien des Affaires étrangères "a décidé de convoquer le 3 avril" l’ambassadeur d’Algérie, Bekhedda Mehdi.

"Il faut que l'Algérie mette en place des retours et qu'elle arrête les renvois dans le désert"

Le secrétaire général adjoint du ministère nigérien des Affaires étrangères, Oumar Ibrahim Sidi, qui a reçu le diplomate algérien, "a formellement exprimé les protestations des plus hautes autorités nigériennes contre le caractère violent du mode opératoire utilisé par les services de sécurité algériens pour mener ces opérations", précise-t-il.

Il "a demandé" au diplomate algérien "d’intercéder" auprès des autorités de son pays, afin que les refoulements s’opèrent notamment "dans le respect de la dignité de l’intégrité physique et morale" des migrants.

Cette convocation est "logique", selon Azizou Chehou, le coordinateur du collectif Alarme Phone Sahara, qui vient en aide aux migrants dans le désert, contacté par InfoMigrants. "Il me paraît évident que la situation nécessite une réunion au plus haut niveau.

Il faut cesser ces expulsions dans le désert. Il faut que l'Algérie mette en place des retours vers les pays d’origine et qu'elle cesse de passer par le désert et le Niger", explique-t-il.

"De plus, il n’y pas que des migrants nigériens qui arrivent [à Assamaka, la première ville après la frontière], mais beaucoup de migrants de diverses nationalités. Ici, ils souffrent, ils restent dans les rues. Ils errent pendant des mois voire des années, ils sont renvoyés chez eux mais au compte-goutte".

Les rafles des autorités algériennes contre les Noirs sans-papiers dans le pays ne sont pas nouvelles. "Ces arrestations arbitraires ont toujours existé mais leur fréquence varie. Aujourd'hui, on arrête les Noirs dans leur appartement, dans la rue, sur leur lieu de travail, sur les terrains de sport et puis on les envoie vers Point zéro", expliquait déjà en janvier Azizou Chehou.

Alger a souvent démenti ces accusations de maltraitance, dénonçant des campagnes d'ONG ou de journalistes "malveillantes".

Des expulsions nombreuses et loin d'être inédites

Les expulsions de Noirs sont massives et durent depuis plusieurs années. Pour le seul mois de mars 2024, près de 900 Noirs ont été expulsés par l’Algérie dans le Sahara à la frontière nigérienne, une zone appelée "Point zéro". Entre le 1er et le 17 janvier, ce sont 1 939 migrants qui ont été refoulés. Du jamais vu, selon le collectif Alarme Phone Sahara qui a effectué le recensement.

Les dangers de ces expulsions sont immenses. Les exilés sont généralement abandonnés par les Algériens à la tombée de la nuit. Lorsqu’ils sont lâchés, ils sont livrés à eux-mêmes. Sans eau ni nourriture, ils doivent parcourir 15 kilomètres à pied pour rejoindre le village d'Assamaka.

C’est là que se trouve le centre de transit de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le bras de l’ONU qui assiste les retours volontaires des migrants vers leur pays d’origine.

Chaque année, de nombreux exilés disparaissent aussi sans laisser de trace dans le Sahara. Ils peuvent se perdre, mourir de déshydratation, ou être victimes de groupes mafieux.

Amadou, un migrant contacté par InfoMigrants en juillet 2020, racontait avoir vu trois personnes mourir sous ses yeux dans le désert. "Ils étaient tellement fatigués qu’ils se sont effondrés au sol", avait expliqué le jeune Africain qui travaillait depuis deux ans en Algérie avant d’être arrêté.

Des drames dont sont aussi témoin les membres d'Alarme Phone Sahara. "Parfois sur la route, on tombe sur des cadavres, déplorait, en mars 2023, Azizou Chehou à InfoMigrants.

Depuis le début de nos activités, on a trouvé une centaine de corps, vers la Libye ou l’Algérie. Le plus souvent, les dépouilles sont en état de décomposition avancée. On les couvre de sable comme on peut, on fait avec les moyens du bord".



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Source : Info Migrants
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