21-05-2025 16:03 - Lettre ouverte à Madame le Ministre de l’Éducation nationale – À propos de l’école mauritanienne : éducation pour tous ou élimination déguisée ?

Lettre ouverte à Madame le Ministre de l’Éducation nationale – À propos de l’école mauritanienne : éducation pour tous ou élimination déguisée ?

Kassataya -- Madame le Ministre,

Permettez-moi, en tant que citoyen sincèrement préoccupé par l’avenir de nos enfants, de vous adresser une question aussi simple que fondamentale : pour qui exactement l’école mauritanienne est-elle conçue ? Pour tous les enfants de la République, dans leur diversité culturelle et linguistique ? Ou uniquement pour ceux qui, par chance ou par privilège, maîtrisent déjà l’arabe classique à la maison ?

Car il faut bien l’avouer : vu de l’extérieur, votre système ressemble de moins en moins à une école de la République, et de plus en plus à un parcours d’obstacles savamment dressé pour exclure, filtrer, formater. À croire que l’objectif est moins d’instruire que de trier.

Laissez-moi résumer ce que vivent des milliers d’enfants à chaque rentrée scolaire :

– Ils arrivent en classe, souvent pour la première fois,
– On leur parle dans une langue qu’ils ne comprennent pas,

– Et on s’étonne ensuite de l’échec scolaire massif, du décrochage, et de la démotivation des enseignants.

Avons-nous vraiment besoin d’un comité d’experts pour admettre que l’exclusion linguistique est la première injustice scolaire en Mauritanie ?

Est-ce un système éducatif, ou un test permanent de conformité linguistique et culturelle ?

Pourquoi refuser encore et toujours d’intégrer les langues nationales dans l’enseignement de base ? Pourquoi nier la réalité plurielle du pays dans les manuels, les programmes et la formation des maîtres ?

Certains vous diront que “la langue ne fait pas l’intelligence”. Certes. Mais imposer une langue unique, dans un pays multilingue, sans accompagnement, sans reconnaissance des langues maternelles, c’est programmer l’échec, institutionnaliser l’humiliation, et fabriquer l’inégalité dès le plus jeune âge.

Madame la Ministre,

L’éducation est censée être un outil de promotion sociale, pas un mécanisme de reproduction des hiérarchies. Vous ne pouvez pas parler d’équité, d’accès universel ou de mérite, tant que vous partez du principe que tous les enfants sont égaux… à condition de déjà parler comme vous.

Il est temps d’ouvrir un vrai débat national sur le contenu, la langue, et la finalité de notre école. Pas pour faire joli dans un rapport. Mais pour que, demain, chaque enfant, quelle que soit sa langue, sa région, son origine, se sente accueilli, compris, et respecté dans l’espace scolaire.

Ce serait là une vraie réforme. Une révolution paisible. Une avancée durable.

En attendant, et sauf preuve du contraire, ce système n’instruit pas : il élimine. Il ne forme pas des citoyens : il filtre des profils.

Respectueusement….mais lucidement.

SY Mamadou



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Commentaires (1)

  • yawonni (H) 22/05/2025 08:36 X

    C’est l’addition d’une multitude de mesures dont la nationalisation de l’arabe qui peuvent paraître relativement anodines isolément, qui abîme le ciment qui fait notre nation. Le français a une place majeure,significative et constructive dans ce ciment, comme l’avaient bien compris les promoteurs de notre nation, il faut le protéger de toute initiative qui pourrait l’affaiblir plus encore, même si cela est fait au nom de traditions à défendre, comme cela est le cas ici en Mauritanie . Avec un français toujours moins bien maîtrisé par les jeunes générations, concurrencé par l’arabe, promouvoir des politiques de ciment dans la valorisation de l’arabe dans toutes les regions est une très mauvaise idée, à rejeter. La seule priorité que nous devrions avoir, c’est davantage défendre la place de nos langues dans l’espace public, mais aussi en faire la priorité numéro un de l’éducation nationale, à mille lieues devant toute autre langue, dont l’apprentissage ne doit venir qu’après avoir acquis une bonne maîtrise de la langue maternelle.Le vivre ensemble en Mauritanie est un socle sur lequel sont bâtis le pluralisme,la justice,la solidarite.Nous avons besoin d'ancrer nos propres cultures pour bâtir une sociéte civile repondant en terme de valeur aux définitions d’une societe gardienne et conservatrice de ses patrimoines culturels et qui se veut à la fois associative,participative et constructive dans la globalisation de l'industrie culturelle. Ce socle interpelle surtout pour une vision des jeunes sur les grands défis sociaux, culturels, économiques et politiques dans le sillage des changements culturtels pour bâtir un ciment de force devant permettre l’ édification d’une société partageant à la fois les mèmes valeurs culturelles.