23-10-2025 21:00 - Mali: comment comprendre les changements à la tête de l'armée et la suspension de Diarra Transport?

Mali: comment comprendre les changements à la tête de l'armée et la suspension de Diarra Transport?

RFI-Afrique -- Au Mali, trois hauts responsables militaires ont été limogés et remplacés. La décision annoncée mercredi 22 octobre concerne le chef d'état-major adjoint des armées, le chef d'état-major de l'armée de terre et le directeur de la sécurité militaire. Des changements de têtes, mais pas de stratégie, selon les sources jointes par RFI.

Dans le même temps, les autorités de Transition interdisent la reprise de la compagnie Diarra Transport, prévue ce jeudi, alors que les jihadistes du Jnim entendent imposer leurs règles sur les routes maliennes.

Les trois chefs militaires limogés sont accusés de laxisme et de négligence, selon plusieurs sources sécuritaires maliennes. « La vérité, c'est que toute la chaîne de commandement est dépassée », confie l'une de ces sources, qui évoque également des divergences sur la stratégie à suivre. Depuis un mois et demi, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim) impose un embargo sur les importations de carburant, qui frappe très durement le pays.

Et depuis plusieurs années, en dépit des déclarations triomphalistes sur la « montée en puissance de l'armée », les attaques jihadistes sont toujours plus nombreuses et le Jnim, lié à al-Qaïda, ne cesse d'étendre son périmètre d'action.

« On change l'adjoint, pas le chef »

« Ces changements n'auront pas d'effet, on change l'adjoint et pas le chef », estime une source sécuritaire malienne, ce que relèvent également plusieurs observateurs avertis. De fait, trois postes clefs sont renouvelés, mais le chef d'état-major général des armées, le général Oumar Diarra, nommé dès le début de la Transition, est quant à lui épargné et reste bien en place.

Ces sources estiment donc qu'aucun changement de stratégie n'est à attendre sur le terrain, et qu'il s'agit plutôt de faire sauter des fusibles pour donner des gages à l'opinion publique.

D'autres y voient aussi une manière pour le régime en place de contenir le risque de contestation interne au sein de l'armée. Le général Élisée Jean Dao, nouveau chef d’état-major général adjoint des armées, et le général Sambou Minkoro Diakité, nouveau promu à la direction de la sécurité militaire, sont réputés proches du ministre de la Défense, le général Sadio Camara. Le nouveau chef d'état-major de l'armée de terre, le général Toumani Koné, est quant à lui un fidèle du président de transition, le général Assimi Goïta.

« Malaise au sein de l'armée »

Ces remplacements surviennent après une purge d'ampleur : une dizaine de hauts gradés, dont deux généraux très populaires, ont été arrêtés en août puis radiés de l'armée. Détenus depuis dans un lieu secret, ils sont accusés de tentative de déstabilisation des institutions. « Il y a un gros malaise au sein de l'armée », témoigne encore une source sécuritaire malienne, qui ne cache pas son pessimisme.

Un président de parti aujourd'hui dissous, comme tous les partis politiques maliens, réagit pour sa part avec colère : « ils pourront faire tous les changements qu'ils veulent, il n'y a pas d'issue. On peut déléguer le pouvoir, estime encore ce farouche opposant, la responsabilité reste entière. »

Diarra Transport ne reprend pas ses liaisons

Dans le même temps, le ministère malien des Transports « ordonne » à la compagnie Diarra Transport de « surseoir » à la reprise de ses liaisons, qui était prévue ce jeudi 23 octobre. Cette compagnie d'autocars avait suspendu ses activités après les menaces proférées à son encontre par le Jnim début septembre. Les jihadistes l'accusaient notamment de collaborer avec l'armée malienne.

Vendredi 17, les jihadistes ont diffusé une vidéo pour accepter les excuses publiques formulées par la compagnie quelques jours plus tôt et permettre sa reprise, édictant au passage de nouvelles injonctions concernant tous les voyageurs – et pas seulement les passagers de Diarra Transport.

Principales exigences : le port du voile pour les femmes circulant sur les routes du Mali et la fin de toute collaboration des compagnies de transport avec les forces de sécurité, afin d'éviter par exemple les arrestations dans les gares routières. Des exigences radicales constituant un nouveau palier de l'influence jihadiste dans le pays, qui ont suscité l'émotion et la crainte de tous les Maliens.

« Les autorités fuient leurs responsabilités »

Le gouvernement de Transition dit aujourd'hui avoir des « interrogations » sur l'accord qui aurait été conclu entre le Jnim et Diarra Transport. Pourtant, comme RFI l'avait révélé au début du mois, les discussions avec le Jnim qui ont permis cette reprise n'ont pas été menées directement par la compagnie, mais par des notabilités du centre du Mali, sous l'égide des services de renseignements maliens, avec l'aval des plus hautes autorités. Ce qu'ont reconfirmé à RFI plusieurs sources, pour certaines directement impliquées.

« Les autorités fuient leurs responsabilités, analyse une source proche des discussions, c'est pour ça que le Jnim veut maintenant des négociations directes et officielles avec l'État ». Par précaution, depuis vendredi dernier, les compagnies de transport respectent scrupuleusement les nouvelles consignes du Jnim.

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«Ces changements visent à circonscrire un malaise au sein de l'armée», explique Oumar Berté, avocat et politologue malien, chercheur associé à l'Université de Rouen.

« Ces changements ont été opérés par les autorités de transition pour circonscrire le plus rapidement possible un malaise au sein de l'armée en mettant à la tête de ces différents commandements des personnes qui leur sont fidèles.

Les personnes qui ont été nommées sont des très proches du ministre de la Défense et du président de la Transition, le général Assimi Goïta. Donc à mon sens, il ne s'agit pas d'un changement de stratégie ou de tactique militaire, mais simplement d'un changement d'hommes qui leur sont fidèles », précise à RFI Oumar Berté, avocat et politologue malien, chercheur associé à l'Université de Rouen.

« Il semble apparaître un certain malaise au sein de l'armée depuis un certain temps, et la situation sécuritaire actuelle marquée par le blocus (des jihadistes du Jnim, NDLR) a exacerbé ce malaise, ajoute-t-il. Donc les autorités de transition tentent de mettre des proches dont ils sont certains qu'ils ne les lâcheront pas. Et bien sûr, ils seront leurs yeux et leurs oreilles au sein de l'armée sur quoi que ce soit. C'est juste un changement d'hommes, pas de tactique. »

Par : David Baché



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Source : RFI-Afrique
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