16-06-2022 11:33 - Procès de la décennie : Qui l’eût cru ?

Procès de la décennie : Qui l’eût cru ?

Le Calame - La justice mauritanienne a annoncé que l’ex-président de la République, Mohamed ould Abdel Aziz et plusieurs de ses anciens collaborateurs seront jugés pour faits de corruption et abus de deniers publics. Les lenteurs observées dans la gestion du dossier avaient fini par installer comme une espèce de doute chez les Mauritaniens.

Pour beaucoup, la vérité ne serait jamais dite sur des milliards détournés, les ressources nationales pillées, etc. C’était semble-t-il sans compter sur la justice. Ould Abdel Aziz sera bel et bien jugé. Un moment également très attendu par les partenaires techniques et financiers de notre nation.

Ould Abdel Aziz, qui avait annoncé à tous que la bonne gouvernance et la lutte contre les prévaricateurs seront son crédo, est accusé d’être le principal fossoyeur du pays. Depuis son départ du pouvoir, les Mauritaniens ont appris, grâce aux enquêtes d’une commission parlementaire et de la Justice, des choses inimaginables.

Les récentes révélations par Al Akhbar sur les auditions des présumés coupables sont venues corroborer les accusations de la CEP qui dénonçait un véritable pillage à ciel ouvert des ressources nationales.

Mais aucune des personnes entendues n’a assumé ses responsabilités, toutes rejetées sur l’ex-Président. Pourtant aucun de ces « responsables » n’avait osé lever le moindre doigt pour dénoncer les malversations dont il était témoin, pour ne pas dire complice. Personne n’avait eu le courage de démissionner.

Ould Abdel Aziz est certes le premier responsable de ce qui est arrivé. Cela absout-il tous ceux qui ont contribué à ce « scandale de la décennie » ? Économiste de son état et consultant international, le politicien Moussa Fall eut, lui, le courage de documenter la gabegie sous le règne même de l’ex-Président.

Dans un pamphlet intitulé « Une décennie perdue », il avait attiré l’attention de l’opinion nationale et internationale sur la gestion gabegique du régime d’Ould Abdel Aziz. Comme une prémonition.

Doublée du retrait de deux des principaux accusés, l’annonce du procès suscite cependant une interrogation chez les Mauritaniens qui ont du mal à comprendre cette faveur. L’opinion publique cherche les explications. On le saura peut-être au procès, si l’ex-Président Aziz accepte, bien sûr, de se livrer lors des confrontations. L’homme et ses conseils estiment illégale la décision des juges. En cas de refus de répondre au tribunal, la justice usera-t-elle de la force publique pour l’y conduire ?

Comment en est-on arrivé là ?

Si ce procès se tient, il restera dans les annales de la justice et de la politique mauritanienne. Un ancien Président très puissant et adoré en son temps tombe des nues sous la poussée de son successeur et alter ego. Qui l’eût cru ? Personne.

Tellement l’homme était puissant, voire assuré qu’un tel sort ne puisse lui être réservé par un « ami de quarante ans », un homme qui lui était resté loyal durant les dix années de son règne et qu’il avait choisi, pour ne pas dire imposé, aux Mauritaniens en candidat à sa succession. Question, disaient certains, d’assurer ses arrières...

On se souvient encore des images du passage de témoin au Palais des congrès, en présence de chefs d’État africains, arabes et autres étrangers. Le nouveau président Ghazwani se retrouvait ainsi adoubé par son ancien chef et ami.

Ould Abdel Aziz se donnait de surcroît une allure de vrai démocrate, en ne cédant pas à la tentation du troisième mandat. Ils avaient été pourtant très nombreux, les laudateurs de tout acabit qui l’y incitaient et même l’époque l’y encourageait : les modifications faisant sauter les verrous constitutionnels de limitation de mandats étaient alors l’ordinaire des chefs d’État africains.

Repassant la bobine du film, Aziz Ould Abdel Aziz doit reconnaître s’être lourdement trompé sur son successeur et qu’il ne se prendrait pas à deux fois, si c’était à refaire. Un adage pulaar dit qu’on ne prête pas le pouvoir.

Le premier et ancien président camerounais Ahidjo l’apprit à ses dépens. De fait, aucun chef d’État, élu ou non, n’accepte le bicéphalisme. Une tentation qui effleura semble-t-il l’esprit d’Ould Abdel Aziz puisqu’il se permit de convoquer les instances du parti qu’il avait lui-même fondé sans l’avis de son successeur. Un congrès dit de « référence » se tint fin Décembre 2019 et consacra la « dévotion » de l’UPR au nouveau maître Ould Ghazwani.

Second coup de grisou dans les rapports entre les amis de quarante ans, entre le nouveau et l’ancien président, ce dernier n’ayant plus à constater, de jour en jour, que le vide grandissant autour de lui. « Bande d’ingrats ! », devait-il soupirer.

C’est dans ce contexte qu’intervint, fin Janvier 2020, la fondation de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de l’ex-Président. Les députés et leurs experts passèrent au peigne fin sa décennie de pouvoir. Et le ratissage révéla le pot aux roses. Un véritable scandale. Puis le dossier fut confié à la police des délits économiques qui le passa, à son tour, à la justice.

L’épilogue est donc le déferrement des présumés devant un tribunal habilité pour les juger. Ils ont déjà reçu leurs notifications. Voici les conseils de l’ex-Président vent debout contre le jugement de leur client. On en n’espère pas moins que justice soit dite dans toute son impartialité et sa rigueur…

Dalay Lam



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Commentaires : 6
Lus : 2978

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (6)

  • Buwuelm (H) 16/06/2022 22:04 X

    Activiobservat, le texte que vous avez envoyé ce jour, vous l’avez déjà passé le 02 Juin 2022, comme commentaire à l’article du 1er Juin 2022 – (Corruption : jugement requis pour Aziz et ses co-accusés, à l’exception de Ould Ndjay et Hassena Ould Ely). L’histoire fait « rire », et comme il n’y a « jamais deux sans trois », j’espère que vous aurez l’occasion de nous la filer une dernière fois.

  • activiobservat (H) 16/06/2022 19:41 X

    Traduit de la page de Hamid Abba. 12 h. On sait que Ould Abdel Aziz aimait bien la compagnie de Hassenna Ould Ely l'ancien ministre ex-DG de la SNIM, de Mauritanie Airlines, de Somagaz… Oul Abdel Aziz le trouvait intéressant, il l’avait nommé dans plusieurs postes pas seulement parce qu’il le faisait rire mais aussi parce qu’il exécutait ses ordres quels qu’ils soient. On dit que l’une des histoires de Hassenna fait rire Oul Abdel Aziz pendant des heures. Lorsque l’ex PM Ould Hademine avait été démis de ses fonctions de chef du gouvernement, Oul abdel Aziz était décidé à nommer un hartani à la primature et il a demandé à Hassenna son avis sur Oul Béchir (Mohamed Salem Oul Béchir). Hassenna lui a répondu : n’est ce pas vous voulez nommer un hartani ? Mais Oul Béchir cache le fait qu’il est hartani et il n’aimera pas être nommé à ce poste car on dira que le hartani Ould Béchir est devenu premier ministre. Mais, vous avez Ould Diay (Moctar Oul Diay), si vous le nommez il va jurer devant tout le monde qu’il est hartani de père en fils. Et l’histoire a fait rire Aziz à en crever… Et il a nommé Hassenna à la SNIM, et le scandale de la cession de la mine de Fdérick a eu lieu.

  • Buwuelm (H) 16/06/2022 15:31 X

    En fouillant dans mes archives, j’ai trouvé un document qui se rapporte à un article publié sur www.boolumbal.org, en Oct. 2015. Il énumère 99 personnes qui auraient participé au pillage des ressources de la Mauritanie. En le relisant, je me suis dit que ce beau monde aurait pu causer un défaut de paiement pour le pays. Même s’il est difficile de croire à toute cette dilapidation, il est certain que ce phénomène est ancien. Les nouveaux arrivants n’ont fait que perpétuer des actes tracés pour eux, par leurs prédécesseurs. Avec tous les scandales étalés au grand jour maintenant, une prise de conscience a été constatée, mais certaines mentalités récalcitrantes demeurent. Pour le cas Aziz, je pense qu’il est plus facile d’acquitter une personne que cent, et c’est pourquoi l’ex président porte seul, la charge. Attendons de voir !

  • El Houssein (H) 16/06/2022 13:13 X

    Le Président Aziz ne doit porter tout seul les gâchis de la décennie. Tous les 300 indexés par la commission d'enquête doivent s'expliquer devant le peuple et être exclus de toute responsabilité durant les 10 prochaines années. Le peuple ne sera jamais satisfait tant que ces personnes ne rendent compte de leur complicité ou silence devant ces faits accablants.

  • Salem Vall (H) 16/06/2022 12:38 X

    Tout le monde savait ce que faisait Aziz. En effet, personne n'était dupe. La majorité de la majorité de la population savait, les partenaires au developpement étaient complices. Les parle(ment)aires. Oui quasiment tous. Ce qui reste de nos hommes d'affaires. Ceux que lui avaient cree. Tous ses ministres, à quelques exceptions près, préparaient les détourrnements. Idem pour les DG des grandes entreprises. EVIDEMMENT; Il ne peut pas voler tout seul et les voyous qui l'ont aidé, doivent etre mis en prison avant lui

  • hayerim (H) 16/06/2022 12:27 X

    Ou on juge tous les coupables et complices, affairistes (patronat), généraux et autres ministres inclus, dont certains sont recyclés, injustement, par la présidence, ou on ne juge personne et l'on acquitte Aziz. Ce n'est qu'à ce prix que la confiance du peuple pourrait être reconquise!