28-09-2019 10:45 - Sénégal : la puissante confrérie mouride inaugure à Dakar la plus grande mosquée d'Afrique de l'Ouest
Francetvinfo - Recouverte de marbre blanc de Carrare et surmontée d'un dôme doré, la mosquée Massalik ul Jinaan (les Chemins du paradis) est inaugurée ce vendredi 27 septembre 2019.
La puissante confrérie mouride, longtemps confinée dans la ville de Touba, pousse son influence jusqu'au cœur de Dakar, la capitale du Sénégal. Elle a inauguré ce 27 septembre, après 10 ans de travaux, sa grande mosquée, bâtie sur un ancien terrain marécageux de six hectares du quartier populaire de Bopp, offert en 2009 par l'ancien président Abdoulaye Wade.
Son nom, Massalik ul Jinaan (les Chemins du paradis), est inspiré d'un des poèmes (khassaides) du fondateur au XIXe siècle du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, un rénovateur soufi établi au Sénégal.
L’édifice religieux recouvert de marbre est doté de cinq minarets, dont le plus haut culmine à 78 mètres, et de salles de prière pouvant accueillir 15 000 personnes, autant que son esplanade. Elle est ornée de lustres monumentaux et de décorations faites par des artisans marocains. Avec une capacité totale de 30 000 places, la mosquée est toutefois moins grande que la mosquée Hassan II de Casablanca, au Maroc, d'une capacité totale de 105 000 personnes, ou que celle en cours d'achèvement à Alger (120 000 fidèles).
Les Mourides apportent à l'islam les traditions du peuple wolof, comme l'importance du travail ou encore l'attachement aux notions d'entraide et de solidarité. D'autres confréries, parfois plus nombreuses mais moins puissantes, existent au Sénégal, notamment la grande confrérie Tidiane.
Edifiée grâce aux dons des fidèles et de l'Organisation de la Conférence islamique
Le coût de cette grande mosquée devrait largement "dépasser les 20 milliards de francs CFA" (30 millions d’euros), affirme le coordinateur des travaux Mbackiyou Faye, sans compter l'institut islamique, une résidence et un musée qui doivent voir le jour à proximité.
Cette somme importante, dans un pays où la pauvreté touche au moins 40% de la population, a été recueillie auprès des fidèles, de grandes fortunes sénégalaises, de chefs religieux, de personnalités politiques et de grandes entreprises. Sans oublier les fonds de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) basée en Arabie saoudite, qui s'etait réunie à Dakar en mai 2008, à l'invitation du président Abdoulaye Wade.
Le gouvernement sénégalais a quant à lui débloqué sept milliards de francs CFA (10,5 millions d'euros) pour la voirie, l'assainissement et l'éclairage alentour.
Un projet voulu par l'ancien président Wade, lui-même mouride
Les Mourides, qui "dominent les secteurs du commerce, de l'import-export, de l'agriculture ou encore des médias", selon le chercheur Cheikh Guèye, frappent un grand coup en s'implantant spectaculairement au cœur de Dakar. Ils tiennent "un symbole de cette puissance économique (qui) renforcera leur influence culturelle et politique" à Dakar, ajoute le spécialiste, en rappelant l'origine rurale du mouridisme. Moins présents dans la capitale, les Mourides ont en revanche un fief, la ville de Touba, qui leur est entièrement dédiée. "De nombreux Mourides y voient une revanche sur l'ex-puissance coloniale française, qui avait choisi Dakar comme capitale du Sénégal et contraint Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké à l'exil au Gabon (1895-1902), puis en Mauritanie (1903-1907)." Vénéré jusqu'à ce jour au Sénégal et dans la diaspora, le fondateur de la confrérie Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké est mort en 1927 à Diourbel, à 150 km à l’est de Dakar.
L'actuel chef spirituel des Mourides, le calife Serigne Mountakha Mbacké, l'un des petits-fils du fondateur, doit assister à la grande prière hebdomadaire en présence du président Macky Sall (de la confrérie Tidiane). L'ex-président Abdoulaye Wade, lui-même mouride, présent lors de la pose de la première pierre en 2009, a également été invité. Avec cette grande mosquée voulue par Abdoulaye Wade, adversaire politique de Macky Sall, la confrérie mouride montre sa puissance et renforce un peu plus son influence dans le pays.
Franceinfo Afrique