27-09-2021 23:30 - La pêche : Jusqu’à quand continuera-t-on de tâtonner ?
Sidi El Moctar Taleb Hamme - L’économie maritime, mot-clé du nom du département ministériel chargé de gérer ce secteur, est constituée d’un ensemble de thématiques dont notamment, la pêche et produits de la mer;
la recherche scientifique marine; la formation maritime; le transport maritime; le courtage maritime; les ports; la sécurité et la sûreté maritimes; l’environnement maritime; les gisements (offshore pétrolier); les banques et assurances maritimes; la classification; l’industrie nautique; les énergies maritimes renouvelables; l’action de l’Etat en mer, etc. (voir article ).
En conséquence, peut-on dire que Monsieur le Ministre en charge actuellement de la pêche et de l’économie maritime, exerce ses pouvoirs sur les sous-secteurs (i) de la pêche maritime, (ii) de la pêche continentale et des zones humides, (iii) des affaires maritimes (marine marchande) et (iv) de l’industrie de l’aquaculture ou élevage des organismes aquatiques dans les eaux marines (mariculture) ou douces (aquaculture dulcicole).
Malgré l’exposition de ces sous-secteurs aux aléas climatiques et au changement climatique, les stratégies sectorielles passées n’avaient jamais réussi l’intégration de l’adaptation au changement climatique et à la gestion des risques de catastrophe.
A mon humble avis, les experts-politiques de ce secteur continuent de tâtonner quant à traduire ce vaste champ de compétences, dans le cadre d’une vision de court, moyen et long terme, en axes stratégiques techniques, pertinents, complémentaires et cohérents, d’abord et ensuite, en un cadre institutionnel et normatif en cohérence avec les orientations théoriques des stratégies sectorielles et nationales : un cadre concrétisant et soutenant des mesures techniques et financières capables de faciliter l’atteinte des objectifs fixés en matière de préservation des ressources halieutiques et leur environnement et puis de développement économique et social .
Aussi, ce secteur n’arrive pas encore à lier, dans ses stratégies et projets de développement, l’utile à l’agréable de manière claire et effective.
C’est-à -dire (i) orienter assez de produits halieutiques vers le marché national pour appuyer davantage la politique de lutte contre l’insécurité alimentaire et satisfaire la demande d’une population qui s’intéresse de plus en plus aux produits de la mer et puis (2) encourager l’exportation du surplus, par rapport aux besoins nationaux, de la production nationale sous des formes à valeur ajoutée véritable et sûre. Alors, trouver un équilibre entre la promotion de l’autosuffisance alimentaire et la maximisation des retombées sociales et économiques de l’exploitation du patrimoine halieutique national, semble être une équation casse-tête insoluble. Les enjeux obligent.
De tels enjeux ont été –et sont encore- assez grands pour laisser une chance quant à arrêter le pillage des ressources halieutique de la ZEEM, instaurer une gestion transparente de ces ressources et assurer une véritable équité dans les modes d’y accéder indifféremment du système de gestion adopté (gestion par effort de pêche ou gestion par quota individuel transférable ou non transférable).
A propos de l’approvisionnement du marché national en poisson, on se rappelle des projets initiés à cet effet tels que l’installation de conteneurs frigorifiques dans les neuf Moughataa de Nouakchott en 2006, le Projet espagnol visant la mise en place des infrastructures nécessaire et la Société Nationale de Distribution de Poisson.
Selon les rumeurs et les réseaux sociaux, la distribution du poisson a progressivement revêtu un caractère fort politique pour devenir d’une part, un prétexte pour accorder des privilèges en matière d’espèces et de zones de pêche à certains opérateurs ciblés et de l’autre, une source d’enrichissement de lobbies restreints, y compris leurs protecteurs dans la sphère du pouvoir.
Certaines catégories d’opérateurs introduits dans le secteur suite à l’adoption du système de quota (2016) et des jeux malsains ayant accompagné cet avènement, avaient tué tout espoir de promotion d’une flotte nationale et d’une vraie industrie de transformation et fait aussi échouer la fameuse décision de réserver les céphalopodes aux seuls Mauritaniens; la prolifération des usines de farine et huile de poisson et des sociétés de droit mauritanien, le retour au régime d’affrètement (y compris sa forme clonée dite ‘’coque-nue’’ qui serait spécifique au transport maritime), constituent des preuves éloquentes d’un échec patent.
Dans son ensemble, cette situation préoccupe aujourd’hui l’opinion publique et ceux surtout qui opèrent dans le secteur, en particulier les pauvres des petits métiers dont le seul espoir de survivre est de mourir en mer en quête de ses trésors.
Le climat de mécontentement, de frustration, voire de désespoir, poussent les victimes à identifier le soutien politique, militaire et sécuritaire dont jouissent les ‘’embarcations chinoises’’, les ‘’navires turcs’’ et certaines usines de farine et huiles de poissons.
On espère alors trouver des explications à des comportements irritants flagrants et à pourquoi des navires –toujours de types turcs—devant normalement avoir les mêmes performances au regard de la qualification des équipages, de la natures des engins et techniques de pêche, des zones de pêche, etc. font des captures exagérément supérieures.
Pour les révoltés et beaucoup d’observateurs, les stratégies sectorielles sont conçues, planifiées et mises en œuvre pour satisfaire des lobbies anciens et nouveaux influents dans le systèmes et/ou fortement soutenus dans le pouvoir politique (cas de la stratégie de 2015-2019); dans les situations normales, ces lobbies changent souvent au rythme du changement de la magistrature suprême pour se rajeunir avec l’entrée de nouveaux hommes civils, militaires et sécuritaires au club détenant les rênes du pouvoir.
Dans le cas extrême où les stratégies sectorielles sont techniquement impeccables, les Ministres choisissent, pour la mise en œuvre, un cadre institutionnel et réglementaire ainsi que des ressources humaines de manière à assurer, par toutes sortes de ruses (transgression des textes, dérogations, vides juridiques, etc.), que le secteur reste dominé par des groupes mafieux dotés de la faculté d’homochromie (aptitude de certains animaux d’épouser la couleur du support comme le caméléon).
Enfin, le remède du mal du secteur de la pêche, comme d’ailleurs celui de toute la Mauritanie, réside dans la moralisation de l’administration et la promotion de l’éthique au niveau de tous les secteurs et différents maillons hiérarchiques des institutions publiques. Sinon, Cobonni, Tintane et Rkiz, pourront bien contaminer beaucoup d’autres endroits avec des variants d’un virus qui font de ravages sûrs là où sévirent la pauvreté, la maladie, l’injustice sociale. A bon entendeur salut !
Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME
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