La Dépêche -- Les quinze mois d’offensive brutale menés par Israël à Gaza n’ont pas seulement marqué une escalade de la violence : ils ont déclenché un bouleversement profond dans l’opinion publique mondiale. Ces mois de barbarie ont mis en lumière l’ampleur des souffrances du peuple palestinien, au point de redéfinir le rapport des nations à cette lutte historique.

À l’image du peuple juif sorti vainqueur moralement et politiquement des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, les Palestiniens émergent aujourd’hui comme les véritables gagnants d’un conflit qui aura coûté des milliers de vies, mais qui aura aussi réveillé la conscience universelle.

Un basculement historique : l’émergence de la cause palestinienne

Tout comme la tragédie de l’Holocauste a offert au peuple juif une reconnaissance internationale et un élan mondial de soutien pour leur droit à une nation, les atrocités vécues par le peuple palestinien à Gaza redessinent les perceptions.

Désormais, la lutte des Palestiniens pour la liberté et la dignité bénéficie d’un écho sans précédent, qui transcende les frontières, les cultures et les sensibilités politiques.

Les bombardements aveugles, les destructions massives et les souffrances infligées aux civils, y compris les femmes et les enfants, ont laissé une empreinte indélébile dans les esprits. Partout, des voix s’élèvent pour dénoncer une injustice flagrante et réclamer des droits pour un peuple longtemps réduit au silence.

Un double antisémitisme : la souffrance des deux peuples reconnue

Nous entrons dans une nouvelle ère où la notion même d’antisémitisme s’élargit. Historiquement utilisée pour désigner la haine envers le peuple juif, elle pourrait désormais inclure une autre réalité : celle d’un antisémitisme inversé contre les Palestiniens, un peuple sémitique lui aussi, dont l’existence même a été niée et bafouée.

Cette double reconnaissance, bien qu’amère, pourrait devenir une clé pour unir ces deux peuples dans une humanité partagée, plutôt que de les opposer éternellement.

L’ère qui s’ouvre semble marquée par une universalisation de la solidarité. Les Palestiniens ne sont plus vus comme de simples victimes d’un conflit régional, mais comme les porteurs d’une cause universelle : celle de la lutte contre l’oppression, la colonisation et la négation de l’identité.

Une vague mondiale de soutien : un tournant inédit

Ces quinze mois de souffrances ont également apporté aux Palestiniens une visibilité sans précédent. À travers le monde, des manifestations massives ont eu lieu, des personnalités publiques ont pris position, et des gouvernements autrefois silencieux ont dénoncé les actions d’Israël. De l’Amérique latine à l’Afrique, en passant par l’Asie et même certains pays occidentaux, un consensus émerge : il est temps d’agir pour reconnaître les droits du peuple palestinien.

Même aux États-Unis et en Europe, où Israël jouissait historiquement d’un soutien quasi-inconditionnel, une fracture s’opère, notamment parmi les jeunes générations. La dénonciation des “politiques d’apartheid” et de la “colonisation” israéliennes devient une position dominante dans les milieux universitaires et progressistes.

La Palestine comme symbole de résilience et de justice

Le peuple palestinien, à travers sa résilience, devient un symbole de justice dans le monde contemporain. Cette nouvelle ère est marquée par des applaudissements mondiaux pour leur courage face à l’oppression, tout comme le peuple juif a été applaudi pour sa survie face à l’inhumanité de l’Holocauste. Ce parallèle, aussi puissant qu’inattendu, redéfinit les contours du débat et place les Palestiniens au centre d’une lutte universelle pour la dignité humaine.

Vers une reconfiguration de l’histoire ?

Alors que les Palestiniens voient naître une ère de soutien et de reconnaissance mondiale, Israël fait face à une crise sans précédent de son image internationale. La brutalité de ses actions à Gaza, diffusée massivement sur les réseaux sociaux, a mis en lumière une réalité longtemps occultée.

Désormais, Israël est perçu non plus comme une nation uniquement défensive, mais comme une puissance oppressive. Cette perception pourrait transformer durablement les rapports de force au niveau mondial.

En conclusion, ces quinze mois de barbarie à Gaza auront marqué la naissance d’une nouvelle ère. Le peuple palestinien, comme le peuple juif après la Seconde Guerre mondiale, entre dans une période où sa lutte est reconnue, soutenue et célébrée.

Ce tournant mondial, porté par une prise de conscience collective, pourrait bien être le début d’un espoir tangible pour une paix fondée sur la justice et l’égalité. La Palestine ne lutte plus seule : elle incarne désormais une cause universelle.

Dr Ismail Sadegh
Ancien ministre de l’habitat
Ex-secrétaire général de l’enseignement supérieur
Ancien DG de l’ENA