01-02-2025 16:52 - Au Tchad, une cérémonie clôt la présence militaire française, la Turquie y installe ses drones
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RFI AFRIQUE - Le Tchad a célébré, vendredi 31 janvier au matin, la fin de la présence militaire française dans le pays, deux mois après la rupture des accords de défense entre les deux pays.
Une cérémonie en présence du président Mahamat Idris Déby a été organisée sur la piste de l’aéroport de la base d’Adji-Kossé, d'où est parti le dernier avion français la veille.
Tout au long de son discours, le chef de l’État tchadien a mis l’accent sur la souveraineté, rapporte notre correspondant à Ndjamena, Victor Mauriat.
Selon Mahamat Idriss Déby, cette souveraineté est désormais pleinement retrouvée : « La souveraineté n’a jamais été un cadeau. Elle est une conquête, le fruit de lutte, de sacrifice et d’un engagement constant, nos ancêtres ont combattu pour nous offrir cette liberté. Pour que nous puissions vivre dans une nation indépendante, fière et respectée. »
Face à l’ensemble des hauts personnages de l’État – allant des institutions régaliennes aux membres du Conseil national de transition –, Mahamat Idriss Déby assure que le Tchad restera « ouvert » au dialogue avec la France : « En reprenant le contrôle total de toutes les bases militaires françaises établies dans notre pays, nous ne rompons pas nos relations avec la France. Mais nous mettons un terme à la dimension militaire de cette relation. »
Comme un symbole de l’unité nationale voulue par les autorités pour l’occasion, les deux leaders de l’opposition, Albert Pahimi Padacké et Succès Masra, ont assisté à la cérémonie.
Clap de fin d'une présence militaire de près d'un siècle
Lors de cette cérémonie entre militaires, le général français Pascal Ianni, à la tête du commandement militaire pour l'Afrique, a remis symboliquement la clé du camp Kossei au général Daoud, chef d'État-major tchadien. Un geste accompagné de quelques mots : pour rappeler tout d'abord que le camp Kossei, ex-fort Lamy, fut le point de départ des forces françaises libres en 1940. C'est aussi à partir de là que l'armée française a mené la plupart de ses opérations en Afrique.
Le général Ianni a également évoqué l'engagement du Tchad dans l'Adrar des Ifoghas, qui avait permis le succès de l'opération Serval.
C'est donc le clap de fin d'une présence militaire qui aura duré plus d'un siècle. Ce désengagement a été fait en un temps record, alors qu'il y avait encore 1 000 soldats français il y a quelques mois. Ce retrait en bon ordre a été salué par les Tchadiens, qui ont remercié les français pour la qualité de la relation.
Selon le général Daoud, le départ n'altère en rien la relation spéciale qui unit les deux armées. Son armée, qui est la plus efficace au Sahel selon les militaires français, devra désormais faire sans la présence de l'armée française.
Des drones turcs sur l’ancienne base française
Alors que l'armée française s'en va, RFI apprend au même moment que des drones turcs vont être installés sur la base de Faya-Largeau. Les Turcs sont déjà présents dans cette ancienne base française et pourraient bientôt l'être à Abéché également.
Cela ne veut toutefois pas dire qu’il s’agit d’une présence militaire au sens propre. Car ce sont plutôt des techniciens qui y sont, des spécialistes chargés de mettre en œuvre les drones aériens Bayraktar acquis par le Tchad. Les personnels déployés à Faya-Largeau sont donc des pilotes de drones ou encore des employés de Bayraktar.
Cette entreprise turque, dont le PDG est un proche du président turc Recep Tayyip Erdoğan, a vendu de nombreux drones de moyenne altitude et de longue endurance en Afrique. Autant d’engins destinés à la surveillance des territoires, mais qui peuvent aussi être armés.
Ankara, un partenaire privilégié des armées africaines
La Turquie devient un partenaire de plus en plus en privilégié des armées africaines. La nature ayant horreur du vide, la Turquie, qui a de grandes ambitions en Afrique, s'impose dans de nombreux pays avec une véritable maestria.
La force d'Ankara est de proposer des offres « tout compris » : des matériels militaires avec ses entreprises très concurrentielles – comme Bayraktar pour les drones ou Autokar pour les véhicules blindés –, des financements, des formations, mais aussi des débouchés aériens. Ces dernières années, Turkish Airlines a ouvert des dizaines de destinations vers l'Afrique.
L'offre, séduisante, ne vient pas heurter le désir de souveraineté qui souffle en Afrique. Car en aucun cas la Turquie n'y déploie des troupes. Il s’agit d’une influence, un soft power réussi, notamment dans le très stratégique Tchad : Ankara l'a bien compris, car qui est au Tchad peut rayonner dans l'ensemble de l'Afrique.
PAR RFI